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devient une habitude et n'est plus perçu en tant que
rhythme. » Selon que l'une des deux lois s'impose plus
vivement au poète, l'ordonnance sévère ou la liberté
l'emporte, et, pour nous restreindre à ce siècle, nous avons
successivement le vers monotone du premier empire, le vers
parfois désarticulé outre mesure des romantiques, puis le
retour du Parnasse à plus de régularité, et enfin les velléités
actuelles d'émancipation. M. de Souza, tant qu'il interprète les
faits anciens ou présents, est en général un observateur avisé
et un esthète délicat (encore pourrait-on lui chercher noise
parfois; p. ex. le vers de Racine est peut-être, contrairement à ce qu'il pense, d'une variété plus réelle que celui de La
Fontaine). Mais des qu'il en vient à formuler une loi positive,
cette loi est insuffisante ou discutable. Selon lui: « Ce n'est
que le jeu des accents forts et des accents faibles qui peut
achever d'animer le mouvement rythmique.» Par accent, M. de
Souza entend l'accent oratoire et non le simple accent tonique : ne voit-il pas qu'ainsi, il songe seulement à l'élément
pathétique du vers, ce par quoi il cesserait d'être une transposition de la vie pour devenir la vie elle-même, et qu'en
acceptant cette loi unique on arriverait à la négation même
de l'art, tandis que certaines déclamations du vers rendues
obligatoires non par la passion ou la logique, mais par une
nécessité musicale voulue du poète, créent vraiment un autre
monde par une audacieuse transfiguration de la vie?
P. Q.
Balzac socialiste ( Extrait de la « Revue socialiste »), par
Robert Bernier (Sevin). — Il y a quelques années, on feuilletait les auteurs célèbres , anciens et modernes, pour trouver
en leurs œuvres des traces de la manie alors dominante,
l'anti-cléricalisme; et on en trouvait — jusque dans Pascal,
jusque dans Bossuet! Aujourd'hui que la mode est au socialisme, il sied que ces mêmes auteurs nous soient affirmés
tels que des socialistes, — au moins inconscients. Dirais-je de
ce genre d'étude qu'il me semble particulièrement inutile?
Si je voulais prouver Balzac monarchiste ou théocratique, catholique ou athée, anarchiste ou républicain, — par un habile choix de phrases j'en viendrais à bout facilement, et je
convaincrais les gens faciles à convaincre. D'ailleurs , comme
tous les hommes d'une très vaste intelligence, Balzac devait avoir, non pas une, mais cinq ou six cents opinions:
que le socialisme se trouvât dans cette collection, cela est
fort admissible, — et, en son ingénieuse et paradoxale
étude, M. Bernier a raison.
R. G.
Nobles et Noblesse, par De Nimal (Savine). — Recueil
de faits et surtout d'anecdotes touchant l'ancienne noblesse
française et la nouvelle. Des appendices intéressants; beaucoup de renseignements curieux; encore plus de scandaleux
racontirs. L'auteur n'a pas compris ceci: une société aristocratique est à peu près au-dessus des lois; elle n'a que des
usages et vit dans une relative anarchie: c'est pourquoi les