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Salies-de-Béarn, le 27 juillet 1892.
L'on parlait hier, Monsieur, de votre récent ouvrage : Les Possédés de la Morphine, dans une compagnie mondaine où l'épuisement de mon « Frère Ane » m'oblige à fréquenter. Pour une tumeur qui m'est venue au scrotum et dont le Sabahoth me gerdonna selon Son Eternelle Miséricorde, force m'est d'abluer, par les salines du Béarn, ma substance étendue, et d'ouïr les propos, au moins frivoles, d'une table de voyageurs. L'endroit manque un peu de ce que vous autres, gens du siècle, vocitez de l'agrément. C'est un village tout plat, d'une chaleur de fournaise, encombré d'hôtelleries saumâtres et d'une manière de parc où Phébus évapore de multiples cacas. L'église polychromée, à l'instar des plus horrifiques badigeonnages sulpiciens, domine un rocher fort hostile aux oignons des cucupiètres. On y contemple saint Martin occupé à déchiqueter son balandras de telle façon que le caïman et lui soient également privés de courtine, symbole, peut-on croire, du socialisme chrétien. Une bâtisse thermale, dans ce goût hispano-mauresque