Page:Mercure de France tome 006 1892 page 152.jpg
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{{gap}}Ne pas connaître ses défauts, c'est ignorer la honte d'en être affligé; ne pas connaître ses qualités, c'est ignorer la blessure de les voir méconnaître par les autres. Le vrai bonheur consiste à s'ignorer soi-même. | {{gap}}Ne pas connaître ses défauts, c'est ignorer la honte d'en être affligé; ne pas connaître ses qualités, c'est ignorer la blessure de les voir méconnaître par les autres. Le vrai bonheur consiste à s'ignorer soi-même. | ||
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{{gap}}Les conséquences de nos actes nous échappent: celles de nos pensées bien davantage. | {{gap}}Les conséquences de nos actes nous échappent: celles de nos pensées bien davantage. | ||
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{{gap}}Toutes les opinions sont conciliables: mais plus on les concilie, plus on en étend la base, qui finit par embrasser l'infini, c'est-à-dire par s'effondrer dans le néant. | {{gap}}Toutes les opinions sont conciliables: mais plus on les concilie, plus on en étend la base, qui finit par embrasser l'infini, c'est-à-dire par s'effondrer dans le néant. | ||
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{{gap}}L'inquiétude du penseur est plus noble que la certitude du simple: mais elle est bien moins réconfortante. C'est comme le roseau pensant de Pascal; il est plus noble que l'univers qui le broie: mais il est broyé. | {{gap}}L'inquiétude du penseur est plus noble que la certitude du simple: mais elle est bien moins réconfortante. C'est comme le roseau pensant de Pascal; il est plus noble que l'univers qui le broie: mais il est broyé. | ||
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− | {{gap}}Il y a le scepticisme qui nie et le scepticisme qui affirme. Le premier pense que rien n'est probable, l'autre que tout est probable; celui-là est | + | {{gap}}Il y a le scepticisme qui nie et le scepticisme qui affirme. Le premier pense que rien n'est probable, l'autre que tout est probable; celui-là est partout disposé à dire : Je n'y crois pas, celui-ci: J'y crois; et, sans qu'aucun des deux soit jamais sûr de rien, l'un est pessimiste dans son doute, l'autre optimiste.<noinclude> |
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Version actuelle en date du 9 décembre 2014 à 17:21
Pour se mettre d'accord ou poursuivre la discussion à leur aise, les deux interlocuteurs entrent au café voisin et prennent l'absinthe en fumant un cigare.
— Les Romains n'en avaient pas! s'écrie le progressiste radieux.
L'État laïque est un progrès sur l'Inquisition: mais l'Inquisition était une jolie rétrogradation sur Socrate. Avons-nous rattrapé Socrate?
Ne pas connaître ses défauts, c'est ignorer la honte d'en être affligé; ne pas connaître ses qualités, c'est ignorer la blessure de les voir méconnaître par les autres. Le vrai bonheur consiste à s'ignorer soi-même.
Les conséquences de nos actes nous échappent: celles de nos pensées bien davantage.
Il n'y a rien de réel que par notre esprit, dont nous nions cependant parfois la réalité.
Toutes les opinions sont conciliables: mais plus on les concilie, plus on en étend la base, qui finit par embrasser l'infini, c'est-à-dire par s'effondrer dans le néant.
L'inquiétude du penseur est plus noble que la certitude du simple: mais elle est bien moins réconfortante. C'est comme le roseau pensant de Pascal; il est plus noble que l'univers qui le broie: mais il est broyé.
Il y a le scepticisme qui nie et le scepticisme qui affirme. Le premier pense que rien n'est probable, l'autre que tout est probable; celui-là est partout disposé à dire : Je n'y crois pas, celui-ci: J'y crois; et, sans qu'aucun des deux soit jamais sûr de rien, l'un est pessimiste dans son doute, l'autre optimiste.