Page:Mercure de France tome 006 1892 page 196.jpg
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Tous les peuples semés sur l'orbe de la terre, | Tous les peuples semés sur l'orbe de la terre, | ||
Pauvres bateaux poussés vers des ports inconnus... | Pauvres bateaux poussés vers des ports inconnus... | ||
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Mais, dans tout l'univers, qui l'a donc entendue | Mais, dans tout l'univers, qui l'a donc entendue | ||
La sublime chanson que chantait le pendu ?... | La sublime chanson que chantait le pendu ?... | ||
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Ayant glané l'encens de toute cassolette, | Ayant glané l'encens de toute cassolette, | ||
Un vent chaud, envolé du ciel oriental, | Un vent chaud, envolé du ciel oriental, | ||
Fait résonner les os sonores du squelette | Fait résonner les os sonores du squelette | ||
Comme des cordes d'or sur un luth de cristal. | Comme des cordes d'or sur un luth de cristal. | ||
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Dans l'éther frissonnant, vers le ciel d'améthiste, | Dans l'éther frissonnant, vers le ciel d'améthiste, | ||
Son hymne monte ainsi qu'un parfum d'encensoir; | Son hymne monte ainsi qu'un parfum d'encensoir; | ||
II monte et se répand dans l'air, sonore et triste, | II monte et se répand dans l'air, sonore et triste, | ||
Grave et lent comme un fleuve et calme comme un soir I | Grave et lent comme un fleuve et calme comme un soir I | ||
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II dit les cris haineux des populaces viles, | II dit les cris haineux des populaces viles, | ||
Le martyre infligé par les ronces des champs, | Le martyre infligé par les ronces des champs, | ||
Les bourreaux menaçants dans le forum des villes, | Les bourreaux menaçants dans le forum des villes, | ||
Le pauvre colporteur de rêves et de chants! | Le pauvre colporteur de rêves et de chants! | ||
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Il dit les écoliers, les femmes en délire, | Il dit les écoliers, les femmes en délire, | ||
Et le peuple et les chefs hurlant comme des loups, | Et le peuple et les chefs hurlant comme des loups, | ||
Les cailloux lapidant le portes et la lyre, | Les cailloux lapidant le portes et la lyre, | ||
Et les bâtons sanglants des prophètes jaloux!... | Et les bâtons sanglants des prophètes jaloux!... | ||
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Il dit le désespoir d'ignorer les caresses | Il dit le désespoir d'ignorer les caresses | ||
Et le cœur virginal où s'épandrait le cœur, | Et le cœur virginal où s'épandrait le cœur, | ||
Et l'asile des seins et le parfum des tresses, | Et l'asile des seins et le parfum des tresses, | ||
Et le ventre où poser son front et sa rancœur !... | Et le ventre où poser son front et sa rancœur !... | ||
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Il dit aussi l'espoir des revanches futures, | Il dit aussi l'espoir des revanches futures, | ||
L'apothéose d'or, les trônes éclatants | L'apothéose d'or, les trônes éclatants | ||
Dans les siècles tardifs et les architectures | Dans les siècles tardifs et les architectures | ||
D'un azur qui peut-être est au déclin des temps,!... | D'un azur qui peut-être est au déclin des temps,!... | ||
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Ayant glané l'encens de toute cassolette, | Ayant glané l'encens de toute cassolette, | ||
Un vent chaud, envolé du ciel oriental, | Un vent chaud, envolé du ciel oriental, | ||
Fait résonner les os sonores du squelette | Fait résonner les os sonores du squelette | ||
Comme des cordes d'or sur un luth de cristal!... | Comme des cordes d'or sur un luth de cristal!... | ||
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— Toi que j'ai rencontré, mon frère à l'âme tendre, | — Toi que j'ai rencontré, mon frère à l'âme tendre, | ||
Bien des nuits, tout en pleurs, sous le chêne étendu, | Bien des nuits, tout en pleurs, sous le chêne étendu, | ||
Serons-nous donc toujours les deux seuls à l'entendre | Serons-nous donc toujours les deux seuls à l'entendre | ||
La sublime chanson que chantait le pendu? | La sublime chanson que chantait le pendu? | ||
| − | Avril | + | <br />{{gap}}''Avril 1890.'' |
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Version du 20 novembre 2014 à 13:37
Et depuis, tour à tour, sous l'arbre solitaire,
Etalant leurs habits de pourpre ou leurs corps nus,
Tous les peuples du monde, en foule, sont venus,
Tous les peuples semés sur l'orbe de la terre,
Pauvres bateaux poussés vers des ports inconnus...
Mais, dans tout l'univers, qui l'a donc entendue La sublime chanson que chantait le pendu ?...
Ayant glané l'encens de toute cassolette, Un vent chaud, envolé du ciel oriental, Fait résonner les os sonores du squelette Comme des cordes d'or sur un luth de cristal.
Dans l'éther frissonnant, vers le ciel d'améthiste, Son hymne monte ainsi qu'un parfum d'encensoir; II monte et se répand dans l'air, sonore et triste, Grave et lent comme un fleuve et calme comme un soir I
II dit les cris haineux des populaces viles, Le martyre infligé par les ronces des champs, Les bourreaux menaçants dans le forum des villes, Le pauvre colporteur de rêves et de chants!
Il dit les écoliers, les femmes en délire, Et le peuple et les chefs hurlant comme des loups, Les cailloux lapidant le portes et la lyre, Et les bâtons sanglants des prophètes jaloux!...
Il dit le désespoir d'ignorer les caresses Et le cœur virginal où s'épandrait le cœur, Et l'asile des seins et le parfum des tresses, Et le ventre où poser son front et sa rancœur !...
Il dit aussi l'espoir des revanches futures, L'apothéose d'or, les trônes éclatants Dans les siècles tardifs et les architectures D'un azur qui peut-être est au déclin des temps,!...
Ayant glané l'encens de toute cassolette, Un vent chaud, envolé du ciel oriental, Fait résonner les os sonores du squelette Comme des cordes d'or sur un luth de cristal!...
— Toi que j'ai rencontré, mon frère à l'âme tendre,
Bien des nuits, tout en pleurs, sous le chêne étendu,
Serons-nous donc toujours les deux seuls à l'entendre
La sublime chanson que chantait le pendu?
Avril 1890.
G.-Albert Aurier.
