Page:Mercure de France tome 006 1892 page 352.jpg
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− | </noinclude>J'avais cru trouver un être qui me comprenait et qui m'aimait... une femme si rose, si blonde et si douce qu'elle semblait la petite sœur de mon éternelle amante, la Lune... Je l'enlevai, j'en fis ma femme... Hélas! Je ne tardai point à m'apercevoir que Colombine n'était rien moins que ce que j'avais rêvé .. Je me grisais de chansons et d'airs de guitare,elle pleurnichait sur notre huche vide ! Au fond, peut-être avait-elle raison ? | + | </noinclude>J'avais cru trouver un être qui me comprenait et qui m'aimait... une femme si rose, si blonde et si douce qu'elle semblait la petite sœur de mon éternelle amante, la Lune... Je l'enlevai, j'en fis ma femme... Hélas! Je ne tardai point à m'apercevoir que Colombine n'était rien moins que ce que j'avais rêvé .. Je me grisais de chansons et d'airs de guitare, elle pleurnichait sur notre huche vide ! Au fond, peut-être avait-elle raison ? Peut-être le libraire, peut-être Arlequin, peut-être tout le monde ici-bas a-t-il raison? Et peut-être ne suis-je, moi, qu'un sot et un fou ?... Alors, à quoi bon vivre?... J'ai commencé,petit Pierrot joyeux, par croire à tout, par aimer tout... Puis, quand j'ai compris ou cru comprendre, je me suis convaincu qu'il n'y avait encore de bon et de vrai que cet illusoire que nous faisons jaillir de notre cervelle, vêtu du somptueux costume des rimes et des rhythmes, que ce cher illusoire qui nous charme une minute, qui une minute nous fait crever d'orgueil et nous paraît créé pour l'immortalité, mais qui, hélas, ne tarde guère à s'évanouir comme des bulles de savon !... Et maintenant, je le sens, je suis prêt à perdre cette croyance à ces riens délicieux... Alors, pourquoi vivre, à quoi bon vivre?... J'ai envie de me pendre... |
− | + | <center>''SCÈNE VI''</center> | |
− | + | <center>{{sc|colombine}}, {{sc|arlequin}} (''cachés derrière une tombe''), {{sc|pierrot}}</center> | |
− | + | {{gap}}{{sc|Arlequin}}. — S'il pouvait le faire comme il le dit !... Ça simplifierait notre combinaison. | |
− | + | <br />{{gap}}{{sc|Colombine}}. — Tais-toi, Arlequin, c'est mal ce que tu dis! | |
− | + | <br />{{gap}}{{sc|Arlequin}}. — Bah!.. Avoue, Colombine, que tu penses tout bas ce que je dis tout haut. | |
− | + | <br />{{gap}}{{sc|Colombine}}. — Tais-toi, Arlequin, tu m'ennuies... | |
− | + | <br />{{gap}}{{sc|Pierrot}} (''seul''). — Me pendre, oui !... Peut-être est-ce là le moyen, la solution, l'issue... Oh! Voici la lune qui brille !... Oh! oui, j'en suis sur ce soir, c'est bien la lucarne ouvrant sur le<noinclude> | |
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Version actuelle en date du 1 février 2015 à 15:25
J'avais cru trouver un être qui me comprenait et qui m'aimait... une femme si rose, si blonde et si douce qu'elle semblait la petite sœur de mon éternelle amante, la Lune... Je l'enlevai, j'en fis ma femme... Hélas! Je ne tardai point à m'apercevoir que Colombine n'était rien moins que ce que j'avais rêvé .. Je me grisais de chansons et d'airs de guitare, elle pleurnichait sur notre huche vide ! Au fond, peut-être avait-elle raison ? Peut-être le libraire, peut-être Arlequin, peut-être tout le monde ici-bas a-t-il raison? Et peut-être ne suis-je, moi, qu'un sot et un fou ?... Alors, à quoi bon vivre?... J'ai commencé,petit Pierrot joyeux, par croire à tout, par aimer tout... Puis, quand j'ai compris ou cru comprendre, je me suis convaincu qu'il n'y avait encore de bon et de vrai que cet illusoire que nous faisons jaillir de notre cervelle, vêtu du somptueux costume des rimes et des rhythmes, que ce cher illusoire qui nous charme une minute, qui une minute nous fait crever d'orgueil et nous paraît créé pour l'immortalité, mais qui, hélas, ne tarde guère à s'évanouir comme des bulles de savon !... Et maintenant, je le sens, je suis prêt à perdre cette croyance à ces riens délicieux... Alors, pourquoi vivre, à quoi bon vivre?... J'ai envie de me pendre...
Arlequin. — S'il pouvait le faire comme il le dit !... Ça simplifierait notre combinaison.
Colombine. — Tais-toi, Arlequin, c'est mal ce que tu dis!
Arlequin. — Bah!.. Avoue, Colombine, que tu penses tout bas ce que je dis tout haut.
Colombine. — Tais-toi, Arlequin, tu m'ennuies...
Pierrot (seul). — Me pendre, oui !... Peut-être est-ce là le moyen, la solution, l'issue... Oh! Voici la lune qui brille !... Oh! oui, j'en suis sur ce soir, c'est bien la lucarne ouvrant sur le