Préface pour un Livre de Critique d’Art

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Aurier, G.-Albert, «  Préface pour un livre de critique d'art », Mercure de France, t. VI, n° 36, novembre 1892, p. 309-317.


PRÉFACE
POUR UN LIVRE DE CRITIQUE D'ART (1)


 Sauf la critique des quotidiens, qui est moins une critique qu'un compte-rendu, la critique du siècle a eu la prétention d'être scientifique.
 Ç'aura été le propre du XIXe siècle de vouloir introduire la science partout, même dans les choses où elle a le moins affaire ; — et quand je dis :« la science », il ne faut point entendre la mathématique, la seule science à proprement parler, mais bien ces bâtardes obtuses de la science, les sciences naturelles.
 Or, les sciences naturelles, ou sciences inexactes, par opposition aux sciences rationnelles ou exactes, étant, par définition, insusceptibles de solutions absolues, conduisent fatalement au scepticisme et à la peur de la pensée.
 Il faut donc les accuser, elles, de nous avoir fait cette société sans foi, terre à terre, incapable de ces mille manifestations intellectuelles ou sentimentales qu'on pourrait classer sous le nom de dévouement.
 Elles sont donc responsables — Schiller l'avait constaté (2) — de la pauvreté de notre art, auquel elles ont fixé pour unique domaine l'imitation, seul but constatable par les.procédés expérimentaux. Donner à l'art ce but, contradictoire de l'art même, n'est-ce point le supprimer purement et simplement ? C'est ce qui est advenu, sauf pour les rares artistes qui ont eu la force de s'isoler loin de ces milieux d'idées dissolvantes.
 Ceci constaté, ne serait-il point temps de réagir, de chasser « l'intruse de la maison », comme dit Verlaine, la science, « l'assassin de l'oraison », et de renfermer, si c'est encore possible, les savants envahissants dans leur laboratoire?
 Pour ce qui est de la critique, voyons donc d'abord en quoi consiste cette fameuse méthode de la critique scientifique dont on a fait tant de bruit, et essayons d'en montrer la vanité et les illogismes.

§


 Trois hommes la représentent, trois hommes d'une haute valeur, d'une grande intelligence, mais dont le rôle fut si néfaste sur l'art contemporain qu'on doit, en toute justice, leur implacablement refuser la moindre admiration.
 M. H. Taine, le théoricien de la méthode, esprit logique, paradoxal et entêté; Sainte-Beuve, qui gâta ses qualités de finesse et de goût en se satisfaisant d'insipides racontars de portière sur les arrière-petits cousins des poètes dont il fallait parler des œuvres; Emile Hennequin, esprit profond et serré, mort trop jeune pour avoir laissé l'œuvre qu'on était en droit d'attendre, mais qui eut pourtant une influence considérable sur les jeunes artistes contemporains.
 M. Taine ayant systématiquement et fort clairement exposé l'ensemble de la doctrine de la critique scientifique dans sa Philosophie de l'Art, c'est lui qu'il convient de discuter tout d'abord. Espérons que cette discussion convaincra le lecteur combien paradoxale est la thèse de M. Taine, combien vaine et même nuisible est sa méthode de critique, combien enfin elle est à côté de la tâche que doit se proposer la vraie critique.
 La doctrine de M. Taine, on le sait, est basée sur cette idée qu'une œuvre d'art est un phénomène essentiellement relatif et contingent, qui n'existe pas en soi, et dont la seule valeur est d'être le témoignage de l'état psychologique d'un peuple à une époque donnée. Il nous explique bien quelque part certaines conditions esthétiques de l'œuvre d'art, mais ce sont plutôt les conditions par lesquelles une œuvre devient, par sa synthèse imitative, un bon document historique, que les conditions qui la rendraient belle en soi. La Kermesse de Rubens, selon lui, est un chef-d'œuvre parce qu'elle synthétise merveilleusement l'état psychologique et social des Flandres au temps de Rubens. Qu'on vienne un jour à découvrir (qu'on me pardonne cette hypothèse absurde) qu'elle n'est point de Rubens, qu'elle fut peinte ailleurs que dans les Flandres et à une époque qui n'était point le XVIIe siècle, comme M. Taine, dans son étude sur la Kermesse, ne nous a parlé que de tout cela, il est probable que pour lui elle n'aura plus aucune sorte de valeur.
 Et, en effet, M. Taine, sans l'avouer explicitement, s'insoucie fort de la valeur esthétique absolue et inintrinsèque des œuvres. Celles-ci, ne l'intéressent que comme phénomènes de l'esprit humain ou comme documents historiques. Aussi, la critique qu'il préconise « a des sympathies pour toutes les formes de l'art et pour toutes les écoles, même pour celles qui semblent les plus opposées; elle les accepte comme autant de manifestations de l'esprit humain... » — Et il ajoute plus loin, un peu naïvement, « elle fait comme la botanique, qui étudie avec un intérêt égal tantôt l'oranger et le laurier, tantôt le sapin et le bouleau; elle est, elle-même, une sorte de botanique appliquée non aux plantes, mais aux œuvres humaines ». Evidemment, le devoir du botaniste est d'étudier avec le même zèle le cèdre et la moisissure, mais est-ce bien ce qu'on est en droit d'attendre d'un critique?
 Quoi qu'il en soit, ceci une fois posé, la méthode qu'en déduit M. Taine est logique. Il ne perdra point son temps, comme ces critiques dogmatiques d'autrefois, a vous expliquer pourquoi une œuvre d'art est belle, il ne vous parlera même que fort peu de cette œuvre. Il se bornera, à propos de l'œuvre en question, a des considérations logiques de psychologie, de sociologie et d'histoire, convaincu qu'il a fait ainsi de la critique d'art.
 Le point de départ de cette critique n'est point, comme il semblerait naturel, d'analyser les éléments de l'œuvre qui donnent la sensation de beauté. « Le point de départ de cette méthode, dit M. Taine lui-même, consiste à reconnaître qu'une œuvre d'art n'est pas isolée, par conséquent à chercher l'ensemble dont elle dépend et qui l'explique ». On le voit, la direction de la méthode est clairement indiquée. L'ancienne critique consistait à pénétrer autant que possible dans l'œuvre même, la nouvelle consiste a s'en éloigner méthodiquement autant que possible. Suivant cette direction, on constatera donc avant tout que l'œuvre en question « appartient d'abord à l'œuvre totale de l'artiste qui en est l'auteur », que cette œuvre totale, elle aussi, fait partie d'un ensemble « qui est l'école ou la famille d artistes du même pays et du même temps a laquelle il appartient ». Cela est vrai, mais déjà il y a peut-être lieu à quelque objection. On nous cite, pour corroborer cette assertion, Rubens : « Rubens semble un personnage unique, sans précurseurs et sans successeurs. Mais il suffit d'aller en Belgique... pour apercevoir tout un groupe de peintres dont le talent est semblable au sien : Crayer, d'abord, qui fut considéré de son temps comme son rival, Adam Van Noort, Gérard Zéghers, Rombouts, ete.; aujourd'hui, leur grand contemporain semble les effacer sous sa gloire, mais il n'en est pas moins vrai que, pour le comprendre, il faut rassembler autour de lui cette gerbe de talents dont il n'est que la plus haute tige, et cette famille d'artistes dont il est le plus illustre représentant. » Je ne veux point dire évidemment que cette étude comparative doive être négligée du critique, mais a-t-elle l'importance que M. Taine lui attribue?
 Je ne crois point, pour ma part, qu'il soit impossible d'admirer et de comprendre Rubens à qui ignore Crayer et Rombouts. Et puis, il est à remarquer que ces ressemblances qu'on nous signale proviennent bien souvent d'une éducation commune, sous un maître commun, dont le succès et le génie servilement copiés ont supprimé toute l'originalité des artistes en question — qui, dès lors, doivent être jugés par rapport a leur modèle, et non leur modèle par rapport à eux-mêmes. Et puis, aussi, les artistes plus isolés que Rubens, complètement à part de leurs contemporains, ne sont point rares dans l'histoire de l'art. Callot, etc. (3) En sont-ils pour cela moins intéressants?
 Mais voici qu'on nous indique la troisième étape à franchir pour l'intelligence d'une œuvre d'art, — la troisième étape en lui tournant le dos : « Cette famille d'artistes elle-même est comprise dans un ensemble plus vaste qui est le monde qui l'entoure et dont le goût est conforme au sien. Car l'état des mœurs et de l'esprit est le même pour le public et pour les artistes, ils ne sont pas des hommes isolés. »
 Certes non, les artistes ne sont pas des hommes isolés, et malheureusement! Malheureusement, oui, ils subissent l'influence des milieux, plus ou moins, malgré leur désir, qui est un devoir, de s'en éloigner et de s'en abstraire. Ils sont en quelque sorte des cygnes qui, par hasard tombés dans un bourbier, tâchent de se renvoler vers le ciel, mais dont les ailes ont été souillées par la boue du marécage. La critique scientifique a-t-elle donc raison de ne vouloir se préoccuper exclusivement que de ces taches de boue sur les ailes blanches? Prenez garde, M. Taine, le désir d étudier ces taches à la loupe conduit à prendre le cygne par le cou et à l'étrangler — comme Tribulat Bonhomet.
 Et êtes-vous bien sûr que tous les artistes soient à ce point éclaboussés par la fange de vos fameux milieux ? Ne croyez-vous point qu'il en est sur les ailes de qui la boue ne saurait adhérer ou qui, en tous les cas, ne tardent guère à s'en débarrasser, dès leur premier vol, en se baignant en plein ciel ? Et ne pensez-vous pas, comme moi, que ce sont là les artistes supérieurs, je dirais presque les seuls' vrais artistes? Pensez-vous que l'Angelico ait beaucoup subi l'influence de l'Italie dissolue et sensuelle du XVe siècle; que, de nos jours, Puvis de Chavannes, cette âme de mystique païen, ou Gustave Moreau, ce rêveur de chimères triomphales et somptueuses, aient beaucoup à démêler avec leur siècle de myope analyse, hideusement industrialiste et utilitariste?
 Mais, je le répète, lors même que cette influence existerait (et elle existe certainement et peut-être en raison inverse de la valeur des artistes), elle ne doit nous préoccuper que pour nous affliger, et il est absurde de penser que cette constatation soit le dernier mot de la compréhension d'une œuvre d'art, comme le déclare M. Taine, qui, sans hésiter, arrive à « poser cette règle que, pour comprendre une œuvre d'art, un artiste, un groupe d'artistes, il faut se représenter avec exactitude l'état général de l'esprit et des mœurs des temps auxquels ils appartenaient. Là se trouve l'explication dernière, la réside la cause primitive qui détermine le reste. »
 Et il ajoute:
 « Supposez que par l'effet de ces découvertes on parvienne à définir la nature et marquer les conditions d'existence de chaque art, nous aurions alors une explication complète des beaux-arts et de l'art en général, c'est-a-dire une philosophie des beaux-arts; c'est là ce qu'on appelle une esthétique. Nous aspirons à celle-là et non pas à une autre. La nôtre est moderne et diffère de l'ancienne en ce qu'elle est historique, c'est-à-dire qu'elle n'impose pas de préceptes, mais qu'elle constate des lois. »
 Est-il besoin de répéter que cette prétendue esthétique, d'abord, ne constate point des lois, mais des coïncidences, d'ailleurs rares et difficilement vérifiables; qu'il serait aisé de trouver un plus grand nombre de faits l'infirmant que la confirmant; et enfin qu'elle n'est nullement une esthétique, puisque sa préoccupation première n'est point l'art, mais les entours de l'art, point la toile mais le cadre ? M. Taine, en croyant faire de l'esthétique, fait de l'histoire, de la biographie, de la psychologie, de la sociologie, tout ce qu'on voudra excepté de l'esthétique. Hennequin, qui partageait son erreur, le comprit vaguement, puisqu'il proposa de rejeter ce mot et de le remplacer par celui d'esthopsychologie. Mais le nom ne fait rien à l'affaire; la méthode de M. Taine donnera et elle à donné des œuvres curieuses, intéressantes, mais elle n'arrivera jamais à la rigueur scientifique qu'elle ambitionne, parce que, comme je crois l'avoir montré, elle repose sur une pétition de principe, à savoir que l'intérêt d'art est proportionnel à la somme des influences de milieux subies par l'artiste, alors que la vérite se trouve évidemment dans cette proposition renversée. M. Taine m'apparaît comme un naïf observateur qui estimerait que c'est la forme, la dimension et la couleur du cadre qui a déterminé la forme, la dimension et la coloration de la toile.
 Mais déjà, arrivé à ce point de sa doctrine, M. Taine s'aperçoit de l'impossibilité pratique de sa méthode. II se rend vaguement compte que si le critique scientifique ne s'aide pas de quelques principes dogmatiques la critique lui deviendra purement et simplement impossible, puiqu'il sera obligé pour être logique d'accepter comme œuvres d'art, indistinctement, toutes les productions cérébro-manuelles de l'humanité.
 Déjà, dans les pages qui précèdent, nous avons pu être surpris de le voir prendre comme thèmes d'expérimentation les œuvres de Rubens et de Michel-Ange. Pourquoi celles-là plutôt que telles ou telles croûtes, évidemment aussi intéressantes pour lui, s'il veut être logique avec sa déclaration antécédente : qu'il a « des sympathies » pour toutes « les manifestations de l'esprit humain »?
 Serait-ce parce que ces œuvres sont consacrées, universellement admirées? Certes non, M. Taine est un esprit trop indépendant pour suivre ainsi sans raison personnelle l'opinion générale.
 Serait-ce parce qu'elles l'ont surtout et d'abord ému par certaines qualités spéciales en elles immanentes?
 Sans aucun doute. Mais alors n'aurait-il pas été logique de commencer par nous parler de cette émotion spéciale du sujet et de ces qualités spéciales de l'objet ? N'aurait-il pas été plus logique de nous parler d'abord de cette mystérieuse sensation de beauté qu'il avoue implicitement avoir éprouvée, de ce mystérieux don de beauté qu'il avoue implicitement avoir constaté? En un mot, ne fallait-il, pas poser le problème du beau et de la sensation esthétique avant celui des contingences conditionnelles de l'œuvre d'art?
 Sans doute, cela aurait davantage ressemblé aux traités d'esthétique dogmatique, mais aussi M. Taine ne se serait point trouvé empêché d'avancer dès le deuxième pas de sa doctrine, et obligé d'avouer qu'il a exagéré en affirmant que toute manifestation de l'esprit humain, représentant fatalement les conditions de milieu où elle a été produite, était digne des sympathies du critique.
 M. Taine, d'ailleurs, se tire fort subtilement de ce mauvais pas. Il sent la nécessité d'en revenir aux procédés de la critique dogmatique et il le fait sans avoir l'air de rien, avec tant de clownerie qu'on le remarque à peine. D'abord, il évite de trop montrer le bout de l'oreille en posant simplement, comme il en a besoin, le problème du beau ou même du sens esthétique. Il se contente de poser le problème de l'art, chose plus concrète et conséquemment moins suspecte de métaphysicisme, et il dit négligemment, sans avoir l'air d'y toucher : « Je voudrais appliquer tout de suite cette méthode à la principale question par laquelle s'ouvre un cours d'esthétique et qui est la définition de l'art ». Et tout aussitôt il nous promet de ne point nous imposer une formule comme ces galeux de la critique dogmatique et « de nous faire toucher les faits »; et tout aussitôt, avant que nous ayons eu le temps de nous apercevoir combien peu scientifique et déductif était ce procédé de nous servir au début une définition qui ne devrait logiquement être qu'une conclusion, on nous présente cette formule, manifestement étroite et insuffisante, et qui n'a même pas l'avantage d'être beaucoup plus précise que les définitions métaphysiques dont il aime à se gausser:
 « L'œuvre d'art a pour but de manifester quelque caractère essentiel ou saillant, partant quelque idée importante, plus clairement, plus complètement que ne le font les objets réels. Elle y arrive en employant un ensemble de parties liées, dont elle modifie systématiquement les rapports. Dans les trois arts d'imitation, sculpture, peinture et poésie, ces ensembles correspondent à des objets réels. »
 Cette définition, quelque pauvre qu'elle soit, permettra à M. Taine de joindre à sa méthode d'investigation historique et psychologique une méthode de sélection sans laquelle rien n'eût été plus impraticable. Mais on observera dès maintenant combien cette définition, qui sert d'instrument de sélection, est étrange, puisqu'elle ne trouve dans l'art que des éléments intellectuels et aucun élément émotif ni même sensationnel.
 Cette absurdité provient de ce qu'il eût fallu d'abord poser le problème de la sensation esthétique, et peut-être aussi celui du beau, avant de résoudre le problème de l'art. Mais cela, c'eût été introduire dans la fameuse méthode scientifique, au lieu d'une seule formule de la critique, dogmatique, deux et même trois de ces formules. Et M. Taine ne l'a pas voulu, préférant être incomplet et au besoin absurde que d'être accusé de dogmatisme.
 Hennequin, en ce point moins excessif et plus logique que son maître, ne tombe pas dans cette faiblesse. S'il n'analyse point l'œuvre d'art dans son essence, il l'analyse du moins dans son action, et il pose franchement le problème de la sensation du beau, qu'il analyse un peu superficiellement mais avec beaucoup de finesse et de subtilité. L'œuvre d'art, dit-il, a pour but « de produire une sorte spéciale d'émotion, l'émotion esthétique, qui a ceci de particulier qu'elle est fin en soi ». Et plus loin il ajoute : « Tous les systèmes de classification des émotions mettent à part les émotions esthétiques et en forment une division spéciale séparée des émotions ordinaires. Or nous avons vu que l'émotion esthétique est une forme inactive de l'émotion ordinaire et que chacune de ces dernières peut tour à tour devenir esthétique... » L'émotion esthétique, en effet, selon Hennequin, manque du caractère distinctif des émotions ordinaires: le plaisir et la peine ; — car il faut distinguer dans toute émotion ordinaire deux éléments : 1° l'excitation neutre, qui la constitue ; 2° le phénomène interne, cérébral, ajoutant des images douloureuses ou gaies. Or, ajoute Hennequin, « si on admet cette hypothèse, l'émotion esthétique d'un spectacle représenté se distinguera de l'émotion d'un spectacle réel perçu en ce que la première de ces émotions, tout en conservant intact l'élément excitation, laisse à son minimum d'intensité l'élément éveil des images de douleur ou de plaisir qui s'associent d'ordinaire à cette excitation, mais qui demeurent inertes parce qu'elles sont fictives, mensongères, innocentes. Au contraire, dans l'émotion réelle ces images ont toute l'intensité que leur donne la certitude de leur réalité... Or, si l'on accepte la théorie de M. Spencer d'après laquelle les plaisirs sont des sentiments modérés et les douleurs des sentiments extrêmes, on apercevra aussitôt la raison pour laquelle les œuvres les plus émouvantes et les plus estimées expriment des spectacles ou des idées tristes. C'est que dans celles-ci l'émotion causée par des images fictives, douloureuses, sera extrême; et, dans celles-ci également, l'émotion étant de l'ordre factice, fictif, esthétique, ne sera extrême que comme excitation et non comme douleur ». Et M. Hennequin conclut en se résumant : « Les mots sensation du beau sembleront donc désigner cette situation d'esprit: excitation intense d'un ou plusieurs sentiments ordinaires; absence des images positivement c'est-à-dire personnellement douloureuses qui accompagnent et

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