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Vêtu d'un habit tissé avec les fleurs de la passion;
— Officiant d'une Passion: appelé de ce nom,— Passionniste: Ton monde est-il le même que notre monde?
— Ton cœur, le même cœur? Ton âme, la même âme?
Tu glorifies une douleur éternelle ; nous — Aimons la toujours changeante beauté de la terre. — Pour le bien, contre le mal, tu sais te passionner: — Nous considérons le songe de mourir et de naître.
Nous aimons les joies des hommes: nous aimons l'aube — Que rosit le soleil, qu'emperle la rosée pure.
— Ta rigide âme sent, après que le soleil est parti,
— Combien de souffrances encore il faut pour parfaire le monde.
As-tu donc raison? ta vérité est-elle la vraie ? — Notre vie est-elle donc un tel désert d'abandon ? — Non, mais tu es injuste pour nous; injuste pour notre jeunesse, — Toi qui prends en pitié notre bonheur.
Et pourtant ! pourtant! O Calvaire royal ! — D'où la divine Souffrance triompha pendant tant d'années! — Est-il possible que les siècles se soient inclinés devant un simple souvenir? — Ces fleurs de la passion doivent fleurir, enfin.
Pourpres elles fleurissent, splendeur d'un Roi : — Ecarlates elles saignent, sacrement de Mort: — Autour de nos trônes et de nos plaisances elles montent, — Et nos yeux coupables lisent ce qui est écrit sur chaque fleur.