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R. G.
Le Canard Sauvage — Rosmersholm, par Henrik Ibsen, traduction de M. Prozor (Savine). — M. Albert Aurier a parlé du Canard Sauvage, dans un précédent numéro du Mercure, à propos de la représentation Antoine ; il n'est pas utile d'y revenir. La seconde de ces pièces, Rosmersholm, aurait sa place au Théâtre d'Art, avant des poèmes peut-être plus beaux, mais qui ne furent pas écrits pour la scène et qu'il est toujours pénible de voir massacrer. Rosmersholm, le vieux domaine de Rosmer, c'est pour Ibsen l'emblême de l'ancien esprit familial et religieux qui agonise, harcelé encore par les démocraties du progrès, les idées nouvelles, les grandes et creuses déclamations de la sociologie. Ces âmes de Norvège en sont encore à se passionner pour l'émancipation intellectuelle, le combat des principes, le rachat de l'humanité, et autres calembredaines que nous laissons depuis longtemps aux politiciens des feuilles à un sou. Kroll le conservateur et Mortensgaard le progressiste (encore un qui est disqualifié !) se livrent de sérieuses batailles avec le Phare et le Journal du District. Le drame est d'ailleurs tout dans l'antagonisme du nouvel esprit, inquiet et avide — personnifié dans Rebecca West l'aventurière — et du milieu poétique et dissolvant, séducteur et morbide de Rosmersholm, sur quoi pèse l'esprit de renoncement et de sacrifice de dix générations. Rébecca veut conquérir Rosmer, conscience pointilleuse,