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Version actuelle en date du 22 mai 2013 à 17:54
L'amoureuse est bornée!
Fausse aurore, mon âme a froid.
Mon âme un jour par vous illuminée
S'étonne d'un soleil par qui l'hiver s'accroît.
Que veux-tu que je dise?
Hélas ! La parole incomprise
S'éteint comme un éclair en me brûlant le front.
Oh ! la brise d'été sous l'averse abattue!
Mon bel espoir est mort de ta négation.
Ami !...
J'ai froid, statue.
Ah ! pauvre cœur d'enfant maladif et chagrin,
Vous me feriez pleurer.
Des pleurs, c'est souverain!
O ta chair douce et parfumée!
Si limpide qu'on croirait voir ton âme au fond!
Si fraîche que l'on en boirait, — ô mon aimée!
Si brûlante qu'à la toucher mon cœur se fond!
O ta chair douce et parfumée!
Oui, dormez, mon esclave et mon vainqueur.
Dormez, voulez-vous? là, sur mon cœur.
Laisse les larves des noctuelles
Dévorer silencieusement,
Selon les coutumes rituelles,
Le mauvais fruit vert du sentiment.
Laisse l'essaim des mouches avides
Gronder son glas autour du fruit mort
Presque et miné de cavernes vides
Où la dent ne chôme qui le mord.
Parce que nulle main bienveillante
N'interviendra pour que le fruit las
Remonte à la branche défaillante.
Tu n'y songes pas ? — N'y songe pas.