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résumant en elles d'innombrables visions sublimées ? Cette discrétion suprême de ne point tout dire pour laisser à l'inconnu l'impériale part qui lui est due éveille précisément les frissons d'angoisse, de tristesse ou de grave sérénité qui courent en nous à la lecture de certaines syllabes et de certains mots, et, pour faire court, la plus auguste impression d'art qu'il y ait. Je veux en témoignage transcrire la fin de ce lumineux chef-d'œuvre, Le Nénufar blanc : « Résumer d'un regard la vierge absence éparse en cette solitude et, comme on cueille, en mémoire d'un site, l'un de ces magiques nénufars clos qui y surgissent, tout à coup, enveloppant de leur creuse blancheur un rien, fait de songes intacts, du bonheur qui n'aura pas lieu et de mon souffle ici retenu dans la peur d'une apparition, partir avec : tacitement, en déramant peu à peu, sans du heurt briser l'illusion ni que le clapotis de la bulle visible d'écume enroulée à ma fuite ne jette aux pieds survenus de personne la ressemblance transparente du rapt de mon idéale fleur.
Si, attirée par un sentiment d'insolite, elle a paru, la Méditative ou la Hautaine, la Farouche, la Gaie, tant pis pour cette indicible mine que j'ignore à jamais ! car j'accomplis selon les règles la manœuvre : me dégageai, virai, et je contournais déjà une ondulation du ruisseau, emportant comme un noble œuf de cygne, tel que n'en jaillira le vol, mon imaginaire trophée, qui ne se gonfle d'autre chose sinon de la vacance exquise de soi qu'aime, l'été, à poursuivre, dans les allées de son parc, toute dame, arrêtée parfois et longtemps, comme au bord d'une source à franchir ou de quelque pièce d'eau. »
Toute différente est l'allure de la phrase dans les morceaux didactiques où est fixée une doctrine sur le théâtre ou sur le vers. C'est alors un parti pris évident de simplicité classique, la résignation