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œuvre de M. A. France est des plus recommandables.
Ch. Mce
R. G.
L'Imprévu, par Gustave Guiches (Tresse et Stock). — Il ne suffirait pas de dire que ce roman est un livre du genre amusant, attachant, un livre pour femme et qui finit presque bien. C'est encore, surtout dans les deux cents premières pages, une étude rare et originale du « soi ». Léon Dussol y cultive son égoïsme avec amour, comme une tulipe monstrueuse. Il se connaît, s'approuve et s'enivre de son vin. S'il refuse de l'argent à un inventeur, c'est parce qu'il ne veut point « encourager certaines folies ». A-t-il fait un serment à une femme, il trouve aussitôt de solides raisons pour être parjure. En effet, « un engagement obtenu par des procédés de séduction auxquels succombent les volontés les plus fermes ne saurait être valable ». Cette femme qui dérangerait , « la tranquillité de sa vie », il la repousse avec fermeté, sans colère toutefois, sans rage, car le bon sens l'a toujours « sauvé du danger des paroxysmes. »
— « Mais je vais être mère », dit Adeline.
— « Précisément, répond-il, je connais une maison discrète. Il y a un parc immense, des fleurs partout, une salle de fêtes dans laquelle on donne des concerts très recherchés. Je suis sûr que vous ne vous ennuierez pas. »
La lutte continue entre cette impudente philautie de l'homme et le doux entêtement de la femme.
— « Soit, restez, dit-il enfin. Mais je vous préviens que nous vivrons sur le pied de guerre et que vous aurez à souffrir. »
— « Je sais souffrir ». dit-elle simplement.
Et toujours Léon Dussol porte son égoïsme comme un habit