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A côté de ces pétarades, la cursive écriveuse de Monsieur Vénus, de La Marquise de Sade et de Madame Adonis, se dénonce un écrivain naturel, un écrivain en déshabillé et qui, merveille pour une femme ! ne se mire en écrivant non plus au miroir de ses phrases qu'en nul autre miroir. Elle écrit comme elle sent et comme elle pense, et vous savez si dès les premiers livres cette petite raisonneuse pensait avec décision et avec netteté ! Elle écrit d'un style sans falbalas et qui, flexible néanmoins, avec un léger fard de métaphores et ça et là des fleurs et des rubans, ne verse pas dans l'hommasse et reste un style féminin. Elle écrit d'une main qui sait le point de tapisserie et fait claquer l'éventail, — d'une main d'instinct si vous voulez et qui n'a pas été gâtée par l'imitation à une époque où les femmes imitent si bien les hommes qu'elles ont fini par en prendre les manies et les virtuosités. Et cette écriture instinctive correspond bien à sa psychologie sans le vouloir, toute d'instinct aussi, de pénétration naturelle et immédiate, et qui se dévide entre ses doigts comme un écheveau dont elle porterait les fils dans son cœur et son cerveau.
Ce qu'elle est dans ses précédents livres, elle l'est encore, mais autrement, dans cette Ironie sanglante qu'on va lire. La petite tête folle d'antan s'y révèle assagie, devenue tout à fait grande personne, détaillant posément une grave histoire qui s'attaque au problème même de la vie, une histoire dont, par exception, le protagoniste cette fois porte culottes, — mais avec quelles nuances de féminéités autour, quels délicats pastels de têtes de femmes, quels arômes de campagne en cette Grangille et quels capiteux bouquets d'essences en la petite femme sans corps, au sexe remonté dans l'orient des yeux et les humides pulpes des lèvres, mourantes du regret des baisers! J'évite de dire mes préférences, je ne veux pas comparer aux premiers ce dernier livre d'une veine généreuse et qui, à l'âge des essais encore,