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A Gabriel Randon.
Cette boule de neige où se pavane une âme
Est le Cygne ingénu de nos illusions
Qui matinalement cingle sur l'oriflamme
Avant l'aigre soleil des noires visions.
Ricane l'heure où le fer rouge de la preuve
Irréfragable inscrit l'alphabet infernal;
La virginité lors défaille sous l'épreuve,
A jamais se fondant le duvet hivernal.
Institués l'écaille de cette agonie
A la strophe de fin, nous gardons le parfum
Qu'uniquement légua la lunale harmonie,
Et nos cordes s'émeuvent du joli défunt.
L'héritage de songe, aromant notre allée
Entre les perses mares de joyaux salins,
Prêche nos pas, appareillés pour la vallée,
Au gré des roseaux purs devant les loups malins.
Jusqu'à ce que le Cygne, aux cendres de mémoire
Oiseau semé, germant sous les regrets d'aïeul,
Nimbe le phare usé par les âges de moire
Et neige vers l'orteil ses ailes de linceul.
3 février 90.
Saint-Pol Roux.