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Ce soir-là, je le veux camper comme un menhir
Immuable dans la plaine du souvenir
Pour qu'il domine à tout jamais mon avenir.
Consolatrix afflictorum.
Pour mes douleurs ta Chanson triste, et si câline
Qu'on dirait presque des soupirs de mandoline,
A tissé des linceuls de blanche mousseline.
Et pour charmer l'ennui mortel des lendemains,
Tes mains d'Amante vont semant par les chemins
Les roses, les muguets, les lis et les jasmins.
Va, sème encor, sème toujours, bonne Semeuse,
Et chante ! car ta voix c'est la Harpe fameuse
Qui m'endort l'âme mieux qu'un philtre de charmeuse.
Stella matutina.
Par l'affolante nuit de mon affliction
Rayonnante a surgi ton Apparition
Dans une aube de paix et de rédemption.
Ton geste a lacéré les ténèbres algides
Où mes espoirs gisaient poignardés et rigides
Tels des suppliciés vaincus faute d'égides.
Alors ce fut l'aurore et ses frissons d'éveil !
Les oiseaux bleus ont secoué leur long sommeil.
Et leurs coups d'aile ont vibré d'or dans le soleil !
Turris eburnea.
Au milieu des Babels perfides des mirages
N'es-tu pas le Phare où viennent mourir les rages
Des vents farouches qui sifflent dans les orages ?
Et quand j'ai déposé l'armet de carnaval,
Casqué pour traverser plus sûrement le val
De la vie et son drame ironique et brutal,
Ah! vraiment, n'es-tu pas, Chère, l'unique asile
Où puisse sangloter ma pauvre âme indocile
Que la lutte épouvante et que le rêve exile ?
Vas honorabile.
Vase odorant, fleuri de fleurs de Paradis,
Tu détiens le secret des ferveurs qui jadis
Ont suscité les Galaor, les Amadis.