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Sur tes cheveux, flots indulgents couleur de soufre,
Où rôdent des parfums graves d'héliotrope,
Ainsi que sur un Océan berceur, oh ! souffre
Que navigue mon Cœur, loin des golfes d'Europe !...
Mon Cœur, vaisseau spectral, dont la quille broyée
Est rouge encor du sang des antiques batailles,
Vaisseau, dont la mâture énorme, foudroyée,
Se tord, en l'appel vain des blanches funérailles !
Mon Cœur, vaisseau privé des propices étoiles,
Qui soupçonne les dents des roches acérées
Et dont un vent hurlant gonfle et ronge les voiles
Que les boulets des vieux combats ont lacérées...
Mais tu n'as point pitié du navire qui souffre
Et qui voudrait s'enfuir, loin de golfes d'Europe !...
Et voilà que tes beaux cheveux, couleur de soufre,
Hélas ! grisent, déjà, le parc, d'héliotrope !....
Sois, pitoyable !... En ce bateau plein d'agonies
Sanglote un équipage étrange et lamentable
De Squelettes moisis, venus des Gémonies,
Et de Faunes, plaignant la glace indubitable !...
Sois bonne !... Vois : les uns, de leurs orbites vides,
Pleurent le souvenir des vieilles Conjonctures,
Les autres, vers l'azur tendant leurs bras avides,
Implorent les baisers chauds des Rives Futures !...