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Je te défends d'y aller, tu m'entends. Sans ça……(Sa main droite recule comme pour prendre son élan.)
Compris.
(En méditation près de l'horloge.) Qu'est-ce que je veux, moi ? Éviter les calottes. Papa m'en donne moins que maman. J'ai fait le calcul. Tant « pire » pour lui.
(Il chérit énormément Poil-de-Carotte, mais ne s'en occupe jamais, toujours courant la prétentaine pour affaires.) Allons, partons.
Non, mon papa.
Comment, non ? Tu ne veux pas venir ?
Oh si ! mais je peux pas.
Explique toi. Qu'est-ce qu'il y a ?
Y a rien ; mais je reste.
Ah, oui ! encore une de tes lubies. Quel petit animal tu fais. On ne sait par quelle oreille te prendre. Tu veux, tu ne veux plus. Reste, mon ami, et pleurniche à ton aise.
(Elle a toujours la précaution d'écouter aux portes pour mieux entendre.) Pauvre chéri ! (Cajoleuse, elle lui passe la main dans les cheveux, et les tire.) Le voilà tout en larmes, parce que son père (Elle regarde en dessous monsieur Lepic) voudrait l'emmener malgré lui. Ce n'est pas ta mère qui te tourmenterait avec cette cruauté. (Les Lepic père et mère se tournent le dos).
(Au fond d'un placard. Dans sa bouche, deux doigts. Dans son nez, un seul. État d'âme à la M. Paul Bourget.) Tout le monde ne peut pas être orphelin !