Je rêve de vers doux et d'intimes ramages,
De vers à frôler l'âme ainsi que des plumages ;
De vers blonds, où le sens fluide se délie
Comme sous l'eau la chevelure d'Ophélie ;
De vers silencieux, et sans rythme et sans trame,
Où la rime sans bruit glisse comme une rame ;
De vers d'une ancienne étoffe, exténuée,
Impalpable comme le son et la nuée ;
De vers de soirs d'automne ensorcelant les heures
Au rite féminin des syllabes mineures ;
De vers de soirs d'amour énervés de verveine
Où l'âme sente — exquise ! — une caresse à peine,
Et qui au long des nerfs baignés d'ondes câlines
Meurent à l'infini en pâmoisons félines.
Violes d'or... et pianissim' amoros'...
Je rêve de vers doux mourant comme des roses.
Albert Samain.