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agissements, mais au contraire les déforment selon le mode le plus favorable à l'exposition de la vérité fondamentale qu'ils sertissent. Toutefois, ce procédé de synthèse étonne et détonne chez un écrivain presque uniquement curieux du détail.
En résumé, M. Jules Renard ne ressemble à personne : il présente ce phénomène rare de n'être pas influencé par les maîtres. Il est visiblement à l'aise dans son champ d'action - espace un peu étroit sans doute et à l'écart des jardins où éclosent les fleurs à l'âme très subtile - et produit sans effort, je dirai : naïvement, des pages d'une saveur particulière. Assurément, on aimerait qu'il discernât davantage, et que tel fragment, tel morceau même, fût retranché de son œuvre ; mais plus de sens critique ne lui ôterait-il point de son originalité ? Il est alors préférable ainsi. De même pour sa langue, si plus de raffinement dans l'expression devait nuire à son humour.
Alfred Vallette.
Novembre 1890.