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à Dieu. Oui, cela c'est l'Empereur en Dieu et Dieu en l'Empereur. Ah rêves, rêves, qui donc brisera la force du Galiléen ?
Maximus. — Mais en quoi consiste la force du Galiléen ?
Julien. — C'est en vain que je me suis efforcé de l'approfondir.
Maximus. — Il est écrit quelque part : Tu ne dois pas servir des Dieux étrangers.
Julien. — Oui, oui...
Maximus. — Le voyant de Nazareth n'annonçait pas ce Dieu-ci ou ce Dieu-là. Il est venu disant : Dieu, c'est moi ! — Je suis Dieu !
Julien. — Oui, celui-ci d'ailleurs !... Ah, c'est à cause de lui que l'Empereur est sans force. Le Troisième État ! Le Messie ! Non le Messie du peuple juif, mais le Messie du royaume de l'esprit, le Messie de l'Empire du monde !
Maximus. — Le Dieu-empereur.
Julien. — L'Empereur-dieu !
Maximus. — Logos dans Pan ! Pan dans Logos !
Julien. — Maximus, dis-moi, comment naîtra-t-il ?
Maximus. — Il naîtra par l'effort conscient de la volonté réfléchie.
Julien. — Je te quitte, mon maître bien-aimé, je le dois.
Maximus. — Où vas-tu ?
Julien. — A la ville. Le roi des Perses m'a fait des ouvertures de paix, je les ai précipitamment acceptées. Mes messagers sont en route. Mais il faut les rejoindre, il faut les rappeler.
Maximus. — Tu voudrais recommencer la guerre contre le roi Sapores ?
Julien. — Je veux ce que Cyrus rêvait, ce qu'Alexandre tenta.
Maximus. — Julien !...
Julien. — Je veux être le maître du monde ! (Il salue avec la main et s'en va tragiquement, à grands pas saccadés.)
(Maxime le suit des yeux, pensif, l'air sombre.)