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infinies des sons plus ou moins longs, plus ou moins brefs, plus ou moins toniques, plus ou moins atones, qui peuvent se succéder en chaque mesure, mais, pour une nécessité d'harmonie, sans excéder jamais un total invariable de vibrations. Si, comme le veut Kant, la variété dans l'unité est la condition essentielle de la beauté, on n'aura point accompli une œuvre purement esthétique en composant des poèmes où non seulement chaque strophe a une telle autonomie qu'elle semble avoir rompu tout rapport avec les autres, mais où chaque vers pousse encore si loin l'amour de sa liberté que, mesuré uniquement par le mouvement spécial de la pensée qu'il exprime, il se trouve dans l'impossibilité de s'harmoniser avec les autres : ceux-ci obéissant à d'identiques exigences d'individualisme absolu.
Cette critique, toute de principes, n'est point pour diminuer la très réelle valeur du livre de Mme Marie Krysinska. Si l'on veut bien le considérer non comme un recueil de vers, mais comme un recueil de très raffinés poèmes en prose, rythmés avec un art accompli, il y a bien des louanges à donner depuis la première page jusqu'à la dernière. Tout d'abord, un sens aigu du symbole. Les spectacles de la nature y sont de purs états d'âme, témoin ce féerique soir :
- C'est l'Heure épanouie comme une large Fleur
- Où le ciel attristé semble prendre en ses bras
- Les monts, les arbres et la mer
- Pour d'intimes communions
- À l'horizon perdu ;
- C'est l'Heure épanouie comme une large Fleur
Puis des délicatesses et des langueurs exquises ; et encore, comme dans « Effet de soir », une tristesse poignante, mais si discrète ! qui rappelle, en toute originalité, de douloureux poèmes d'Edgar Poë. Cependant, s'il était permis de marquer quelque préférence pour l'une des cinq parties dont se composent les Rythmes pittoresques, celle intitulée : Les Résurrections semblerait devoir être choisie. Mme Marie Krysinska y a exprimé, en de courts poèmes évocatoires, l'essence de diverses danses : pavane, menuet, danse d'Espagne... si bellement, si joliment, témoin :
- Les petites idoles
- Animées
- Animées
- O mais
- Les petites idoles
- Si peu que cette danse évoque la folle
- Vision : d'un bas relief aux vivants symboles
- Hiératique et muet,
- Hiératique et muet,
E. D.
La Gamelle, par Jean Reibrach (Charpentier). — Le grand pontife Zola nous avait promis une page magistrale sur l'armée. Quoique un peu défrisé par la publication de Descaves sur les sous-offs, il nous a donné enfin cette page dans