De l'Été riche et de sa gloire ensoleillée,
L'Étang, où nagent les débris de la feuillée,
Pas plus que l'horizon n'a gardé de reflets,
Et, partout, c'est l'ennui d'une plaine souillée,
Où la pluie uniforme a tendu ses filets.
La Terre, dépouillée aujourd'hui des verdures
Qu'un long émoi d'oiseaux éventait de frissons,
Le cuir ridé d'avoir gesté mille moissons,
Avec tout ce que l'Homme y fit de marques dures,
Nue et vide s'en va rejoindre l'horizon.
Le ciel bas, vers qui fume un encens de tristesse,
Où la pluie uniforme a tendu ses réseaux,
N'a plus le vol elliptique de ses oiseaux
Quand des lueurs d'aurore y traînaient leur mollesse
Et qu'un soleil mirait sa gloire au tain des eaux.
Ce long bruit de la pluie uniforme qui tinte,
Ce long bruit qui nous vient des lointains assoupis
Et se propage autour de nous, semble la plainte,
Triste qu'exhalerait, d'une voix presque éteinte,
La Terre à qui l'on a ravi tous ses épis.
La Terre dépouillée, et qui se remémore,
Par ce tantôt de pluie uniforme et sonore,
De quels poings inlassés à lui meurtrit le sein,
De l'aube jusqu'au soir et du soir à l'aurore,
L'Homme qui tire d'Elle et son or et son pain.
La Terre qui s'éplore à n'avoir rien pour elle,
Mère-des-sept-douleurs que la Peur vient hanter
Des printemps, décrétant sa grossesse nouvelle,
Et qui sait qu'à l'endroit de ses flancs, éternelle,
Jamais ne périra la douleur d'enfanter.
Nue avec ses sillons creusés en longues rides
La Terre, où s'exalta naguère Messidor,
S'endolorit ainsi dans ce tantôt languide,
Sous le ciel, qui s'étire en longs brouillards arides,
Sans même une éclaircie où reluise un peu d'or,
Et s'endeuille aux plis longs de ses linges sévères,
Cependant qu'uniforme et lente pour le grain
Que d'Homme à pleine poigne y jettera demain
À travers l'humus détrempé, jusqu'aux ovaires,
La Pluie indolemment prépare le chemin.
Ernest Raynaud