« La Tour »

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Albert Samain, « La Tour », Mercure de France, t. I, n° 11, novembre 1890, p. 394.


LA TOUR



 Mes douze palais d'or ne pouvant plus suffire,
 Mon cœur royal étant désenchanté du jour,
 Un soir, j'ai fait monter mon trône de porphyre
 Pour jamais au plus haut de ma plus haute tour.

 Et là, dominant l'homme et les cités sonores,
 J'ai vécu seul parmi l'azur silencieux,
 À voir, indifférent, les couchants, les aurores
 Mirer leurs ciels dans l'eau déserte de mes yeux.

 Pâle, j'attends, le goût de la mort à la bouche.
 La terre est à mes pieds comme un chien qui se couche ;
 Mes mains flottent parmi les étoiles, la nuit.

 Rien n'a distrait mon œil immobile sans trève,
 Rien n'a rempli mon cœur toujours vide, qui rêve
 Sur l'incommensurable mer de mon ennui ;

 Et le néant m'a fait une âme comme lui.


Albert Samain.

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