Épaves

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Edouard Dubus, « Épaves », Mercure de France, t. I, n° 1, janvier 1890, p. 23.


ÉPAVES


Pour Louis Denis


Au premier soir de leur voyage aventureux,
Les galions chargés de nos espoirs en faste
Furent, sans lutte, le jouet d'un vent néfaste,
Et l'Océan d'oubli s'est refermé sur eux.

Ils dorment ignorés sous leur linceul de vagues,
Et dans leurs flancs, qu'illuminèrent des trésors,
C'est désormais la nuit, où blémissent les ors
Monstrueux de grands yeux dardant les terreurs vagues.

L'heure vient, fatidique, où ne restera plus
(L'eau s'acharnant sans haine à son œuvre infamante)
Que des débris sans noms jetés par la tourmente
Au rythme indifférent des flux et des reflux.

Mais avant, quelque jour d'ouragan, dans les sables
Nus au milieu des flots béants, apparaîtront,
Achevant de mourir de leur obscur affront,
Les Gloires qu'on rêva naguère impérissables.



Édouard Dubus


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