Épilogue

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André Fontainas, « Epilogue », Mercure de France, t.IV, n°28, avril 1892 p. 300-301.


ÉPILOGUE


En vain j'ai parcouru les halliers et les grèves.
Je me suis efforcé
Vers le Nord implacable et le Pôle glacé
Aux Thulés mornes où meurent les rêves;
Vers les visions impérissables poursuivies
Par d'hyperboréennes contrées
Je me suis détourné des routes de la vie.
Les magiciennes rencontrées!
Par elles je crus au mirage de mes rêves
Et je me suis efforcé
Vers mon illusion par les déserts glacés
Des Thulés mornes où meurent les rêves
En des halliers de ronce et par la fange de leurs grèves
J'y voyais sans cesse un pourpris superbe
Et j'entrais en un val de tendres fleurs écloses
Avec des aspérules en grappes blanches sous l'herbe,
Et c'était une nuit de lune parmi les roses.
En les senteurs molles et profondes
Quel rêve ai-je vécu sur ces terrasses blondes
Illunées?
Les ténèbres bientôt descendaient en l'effroi
Et l'épouvante des landes abandonnées
Aux gémissements sinistres d'un vent froid.
Parfois encore c'étaient les gnomes
Et les Trolls aux visages odieux
Qui tournaient, brumeux fantômes
Qui tournaient et qui riaient à mes yeux.
Et les mêmes désirs, désirs jamais défunts,
En mon âme suscitaient toujours la même foi:
Pour l'effluve pressenti de plus subtils parfums
J'entrais en d'illusoires pelouses
Le long de lacs mentis où bientôt j'étais seul
Par la neige qui vraie était lourde comme un linceul
Sans le spectre des yeux que j'eusse crus défunts!


Mais j'ai surpris dans la tourmente
Le mensonge surgi d'un mirage d'amante
Et les syllabes de runes morts
Des Trolls malicieux et des haineux Klingsors!
— Et de l'adverse magie où mon désir se bute
Sous les embûches de la neige
J'échappe par la vie à cette vaine lutte;


J'ai rompu le pouvoir des mauvais sortilèges.

André Fontainas.

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