Autre Temps, autre Ophélie, A la Fleur des Fleurs

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Saint-Pol-Roux, «  Autre Temps, autre Ophélie, A la Fleur des Fleurs », Mercure de France, t. IV, n° 27, mars 1892, p. 226-227.


AUTRE TEMPS, AUTRE OPHÉLIE


Ainsi qu'en les larmes du saule
Avec sa gerbe sur l'épaule
Ophélie noya ses douleurs,
Mon Cœur s'est noyé dans mes pleurs.

L'humide ici n'est plus la Vierge,
Hamlet gît dans l'eau comme un cierge
On a troqué les deux esprits
Régnant parmi les vieux écrits.

Désormais la fille est maligne;
Au prince d'aller sous le cygne!
Elle a fleuri sans lendemain
La mémorable de jasmin.

Mais les roseaux sortis de l'onde
Enivreront du moins la blonde
Avec les regards que le vent
Cueillera dans leur œil fervent.

Regards de la funèbre treille,
Allez donc à sa vive oreille
Et puissiez-vous, joyaux discrets,
La rendre folle de regrets!

A LA FLEUR DES FLEURS

Vous semblez un raisin de dame,
Héritière de l'arc-en-ciel,
Sœur bonne de chaque belle âme
A qui sourit ton essentiel.

A vous voir telle un noble exemple
On hait sa propre vérité.
Je crois entrer dans un saint temple
En respirant ta charité.

Cependant ta sage présence
Indispose aujourd'hui mon front,
Ton aube même d'indulgence
Accroît mon vespéral affront.

Aussi quitté-je ta demeure,
En le manteau de mes péchés,
Pour ne pas que ta gloire meure
Entre mes doigts effarouchés.

Je ne veux pas, blessant l'usage,
Etrangler mon juge poli
Ni singer l'homme au laid visage
Ecrasant son miroir joli.

Saint-Pol-Roux.


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