Ballade confraternelle pour servir à l'histoire des Lettres françaises

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Laurent Tailhade, « Ballade confraternelle pour servir à l'histoire des Lettres françaises » , Mercure de France, t. I, n° 9, septembre 1890, p. 316-318.


BALLADE
CONFRATERNELLE POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES LETTRES FRANÇAISES


Oh ! Les cochons ! Les cochons ! Les cochons !

S.M.


 Or sus, venez, gens de plume et de corde,
 Pauvres d'esprit, cacographes, soireux,
 Blavet, Meyer dont la tripe déborde,
 Champsaur égal aux Poitrassons affreux,
 Et Wolff l'eunuque, et Mermeix le lépreux.
 Montrez-vous sur les foules étonnées,
 Cabots, sagouins, lécheurs de périnées :
 Atollite portas ! Voici Daudet !
 Formez des chœurs et des panathénées !
 C'est Maizeroy qui torche le bidet.


 Toi qu'un dieu fit, dans sa miséricorde,
 Imperméable au style, gros foireux
 Qui des duels aimes le seul exorde,
 Ajalbert ! comme un fessier plantureux,
 Haut le vis ! Marche à l'ombre de ces preux.
 Sous les fanons aux lances adornées,
 Albert Delpit, louche des deux cornées,
 Et Jean Rameau, très innocent baudet,
 Calme des vers pour deux ou trois guinées.
 C'est Maizeroy qui torche le bidet.


 Monsieur Papus, qu'il ne faut pas qu'on morde,
 Fait voir la lune aux pantes généreux.
 Ave, Drumont ! Sous une chemise orde,
 Le Péladan et ses pieds buthyreux.
 ItemSarcey (du genre macareux).
 Paul Alexis, en phrases peu tournées,
 Mène à Lesbos les gothons surannées.
 Noël ! messieurs, Noël devant Cadet,
 Peptone des gastralgiques dinées.
 C'est Maizeroy qui torche le bidet.


Envoi


 Prince fameux chez les Instantanées,
 Soldat que son régiment éludait,
 Compilateur de cent macaronnées,
 Baron aussi, depuis quelques années,
 C'est Maizeroy qui torche le bidet.


QUATORZAIN D'ÉTÉ

Elle fait la victime et la petite épouse.

arthur raimbaud :
les premières communions


Certes, monsieur Benoist approuve les gens qui
Ont lu Voltaire et sont aux Jésuites adverses.
Il pense. Il est idoine aux longues controverses,
Il adsperne le moine et le thériaki.


Même il fut orateur d'une Loge Écossaise.
Toutefois ― car sa légitime croit en Dieu ―
La petite Benoist, voiles blancs, ruban bleu,
Communia. Ça fait qu'on boit maint litre à seize.


Chez le bistro, parmi les bancs empouacrés,
Le billard somnolent et les garçons vautrés,
Rougit la pucelette aux gants de filoselle.


Or Benoist qui s'émêche et tourne au calotin,
Montre quelque plaisir d'avoir vu, ce matin,
L'hymen du Fils Unique et de sa demoiselle.


 Juin 1890.

Laurent Tailhade.


 Avec sa Ballade et son Quatorzain, M. Laurent Tailhade, une des rares personnes à qui Dom Junipérien s'ouvre volontiers, adressait à notre rédacteur en chef la lettre suivante : nos lecteurs y verront que le saint ermite n'oublie pas le Mercure de France, et apprécieront comme il sied, nous n'en doutons point, l'aubaine promise.


  « Mon cher ami,
 « Le révérend Père Junipérien, absorbé par les soins de la prédication et la retraite annuelle qu'il a coutume d'effectuer chez les Dames de l'Amour Solitaire, me commet le soin de vous rendre ses excuses et d'obtenir de vous quelques délais. La santé de ce saint religieux, affaiblie, comme je crois, par d'excessives austérités, demande les soins les plus délicats, un repos quasi absolu bien difficile à obtenir de son âme évangélique. Toutefois, à la requête de ses pénitents, desquels j'ai l'honneur d'être, Dom Junipérien consent à prendre quelques vacances. Mais, dévoré comme on le voit d'un zèle insatiable, il emploiera ses heures maladives à nous consoler de pieux écrits. Vos lecteurs bénéficieront les premiers de ces pages enflammées, où brillent une voix qui ne tombe guère, une ardeur que le monde n'éteint pas.


 « Mes deux mains,


Laurent Tailhade. »

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