Ballade sur le propos d'immanente syphilis. — Ballade pour s'enquérir du sieur Albert Jounet

De MercureWiki.
 
Laurent Tailhade, « Ballade sur le propos d'immanente syphilis. — Ballade pour s’enquérir du sieur Albert Jounet », Mercure de France, t. I, n° 12, décembre 1890, p. 426-427.



BALLADE
SUR LE PROPOS D'IMMANENTE SYPHILIS

 

« Toi, jeune homme, ne le désespère point:
car tu as un ami dans le Vampire, malgré
ton opinion contraire. En comptant l'acarus
sarcopte qui produit la gale, tu auras deux
amis. »
 Les Chants De Maldoror (Chant 1er)


Du noble avril musqué de lilas blancs,
Hardeaux paillards ne chôment la nuitée.
Mâle braguette et rigides élans
Sans trêve font pucelle amignottée.
Jouvence étreint Mnazile à Galathée ;
Un doux combat pâme sur les coussins
Ton sadinet, Bérangère, et tes seins,
Jusques au temps que vendange soit meure.
— Or, en ces mois lugubres et malsains,
Amour s'enfuit, mais Vérole demeure.

L'embasicœte aux harnais trop collants
Cherche, par les carrefours, sa pâtée,
— Nourris, Vénus, les mornes icoglans ! —
Ce pendant que matrulle Dosithée
Ouvre aux cafards la porte assermentée.
Las ! nonobstant baudruches et vaccins,
Durable ennui croît des plaisirs succincts.
Aux bords du Guadalquivir et de l'Eure,
Il faut prendre conseil des médecins :
Amour s'enfuit, mais Vérole demeure.

Maint prurigo végète sur vos flancs,
Peccante humeur fit votre chair gâtée,
Jeunes héros des entretiens brûlants !
Que l'argent-vif et l'iode en potée
Lavent ce don cruel d'Epiméthée,
Robé par lui chez les dieux assassins.
Vivez encor pour tels joyeux larcins !
Et que le Ciel vous gard' de la male heure,
De Katinska, des lopes, des roussins :
Amour s'enfuit, mais Vérole demeure.



envoi



Prince d'amour que fêtent les buccins,
Imitez la continence des Saints,
Mousse d'Or, et gravez la chantepleure
De Valentine au trescheur de vos seings :
Amour s'enfuit, mais Vérole demeure.



BALLADE
POUR S'ENQUÉRIR DU SIEUR ALBERT JOUNET


 « Monsieur Jhouney s'appelle Jounet, mais quand il publia les Lys noirs, recueil de vers « ivres d'Elohim » et consternants de platitude, il crut devoir adopter cette orthographe cabalistique, la jugeant plus convenable pour un mage qui s'effare devant l'obscurité où s'enveloppe Iod-Héva l'Inaccessible. »

L'Ouvreuse (Lettre xxx).



D'où vient ce thaumaturge pour
Les vieilles gaupes claudicantes ?
De Stockolm ou de Visapour,
Ou de Nancy que tu fréquentes,
Barrès aux lèvres éloquentes ?
Sort-il de Tarbe ou de Java ?
Place-t-il des vins, des toquantes,
Jhouney pochard d'Iod-Héva ?


A-t-il, un soir de Jom Kippour
Incanté le bouc, ô Bacchantes ?
Et sous les gibets — Alas poor
Yorick ! — fané de vésicantes
Aigremoines et des acanthes ?
Quel Brahmapoutra l'abreuva ?
Quels sabayons ? Quels alicantes,
Jhouney pochard d'Iod-Héva ?


Le gong, l'archiluth, le tambour
Mugissent toutes fois et quantes
G.Papus grimpe dans sa tour.
Ceignez ses tempes coruscantes
De fleurs, marquises et pacantes !
Même, octroyez quelque linve à
Ce bonze honni des cruscantes,
Jhouney pochard d'Iod-Héva.

envoi


Sar Nébo, puisque tu décantes
L'escafignon cher à Çiva,
Dégrise en ses odeurs piquantes
Jhouney pochard d'Iod-Héva.

Laurent Tailhade.


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