Chanson novembre 1891

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Ernest Raynaud, « Chanson », Mercure de France, t. III, n° 23, novembre 1891, p. 293


CHANSON

O nala mecum consule Maulio...

Horace.


Vin qu'on mit en bouteille au temps de ma naissance,
 Soit que tu provoques les jeux,
Ou les rixes, ou les noires concupiscences,
 Ou les sommeils de plomb, tu peux
 Pour célébrer ce jour heureux
 Te répandre avec abondance!...


Que ta pourpre dorée, berceau des chansons,
 Corvinus le veut! ne diffère.
Bien que Socrate l'ait nourri de ses leçons,
 Ce sage n'est pas si sévère
 Que d'aller refuser son verre,
 Un jour de fête, à l'échanson!


Puisque Caton lui-même a senti tes amorces,
 Puisque de ce vieux sage aussi,
Pour échauffer le cœur, tu sus percer l'écorce!
 Est-il remords, est-il souci,
 Est-il cœur si hautain d'ici
 Ou d'ailleurs, vin! que tu ne forces?


D'un coup tu raffermis les esprits ébranlés;
 Par toi, le lâche a la vaillance;
Aux gueux, tu rends l'orgueil; Ô Pourpre, enivre-les:
 Tu les verras plein d'insolence,
 Au milieu des camps et des lances,
 Braver jusqu'aux rois assemblés!


Donc, coule! et si Vénus, la déesse aux beaux voiles,
 Daigne sourire à nos amours,
Avec les Grâces, qu'on voit jointes sur les toiles,
 Mes flambeaux conduiront leur jour
 Jusqu'à cette heure où, de retour,
 Phœbus chassera les Étoiles!

Ernest Raynaud.


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