Littérature italienne juillet 1891

De MercureWiki.
 
Remy de Gourmont, « Littérature italienne », Mercure de France, t. III, n° 19, juillet 1891, p. 57-59.



LITTÉRATURE ITALIENNE


 Les Livres. - G.Pipitone-Federico, Note di letteratura contemporanea (Palerme, G. Pédone-Lauriel), études sur les Parnassiens, les Décadents, Sully-Prudhomme. etc.
 Giovanna Ruta, par A.-S. Novano (Turin, L. Roux),roman, un peu à la Verga, où il y a de réelles promesses de talent.
 Nuovi Canti, de Giovanni Marradi (Milan, Trèves): ce sont des contemplations et des élévations à propos de paysages. La forme en est très pure, un peu monotone, pas très originale. On pense invinciblement à Lamartine : poésie d'hier.
 L'Amante, par Adolfo Maspes (Milan, Galli), roman sentimental très recommandé par M. Valcarenghi (Cronaca, 10 mai).
 L'Illusione, par F. de Roberto (Milan, Galli), roman d'un naturalisme modéré; procédés de Flaubert.
 Le Théâtre. - La Signora di Challant, drame, par Giuseppe Giacosa. Ecrit pour Sarah Bernhardt, qui devait le jouer en français, et pour Mlle Duse, qui devait le jouer en italien, ce drame est toujours inédit et l'auteur vient d'en donner quelques lectures publiques. Le thème de la Dame de Challant est emprunté à la quatrième nouvelle de Bandello : c'est l'histoire de cette Bianca Maria, veuve d'Hermès Visconti, puis femme de René, comte de Challant, qui chercha à faire assassiner ses amants l'un par l'autre, ne réussit qu'à moitié et fut « justiciée ». G. Depanis dans la Gazzetta déclare que c'est « une vigoureuse œuvre d'art et d'art profondément humain »; I. Furiani, dans la Cronaca, estime qu'il n'était peut-être pas bien urgent de mettre cette anecdote en dialogues, fussent-ils des plus dramatiques, et que les nouvelles de Bandello sont parfaites, — mais dans Bandello. A propos de cette pièce, polémique dans la Gazzetta entre G. Depanis, qui ne croit pas à l'avenir littéraire du théâtre, et Domenico Lanza, pour lequel un renouvellement de l'art dramatique est possible et même certain.

 Les Revues. - Gazzetta Letteraria : de beaux vers de L.-G. Mambrini, trois Sonnets en mineur de grande allure : « Oh! illusion de justice, oh! immenses délires d'amour, oh ! passions en Dieu, oh! ondes d'encens en vain consumées, pourquoi vous consacrer mon désir... — Si vous non plus vous ne pouvez apaiser mon âme? » (25 avril.)
 M. Depanis analyse, avec bien de la perspicacité, Là-Bas, de Huysmans, et non seulement rédige sur le livre d'intéressantes remarques, mais juge l'auteur avec esprit : « Naturaliste byzantin et décadent », ce n'est pas sot. Après avoir jeté à l'eau M. Péladan et son Androgyne, il reconnaît l'originalité des nouvelles contenues dans le Sonyeuse de Lorrain, s'effare un peu d'y rencontrer des types mostruosi, n'est pas fâché, en sortant de ces deux livres, « de jouir de sourires et qui ne sont pas sur des lèvres de succubes ou de lamies (9 mai). Notes de M. Pica sur les représentations de l’Intruse et de Un Mâle (6 juin).
 Cronaca d'Arte. — Encore des vers, et exquis de Enrico Panzacchi : Une petite ville, le soir ; une fenêtre où se colle le front d'une femme qui rêve, ou prie... « Es-tu celle qui demande la paix nocturne aux ombres descendantes?

...Sei tu
Che preghi una notte pacata
All'ombre che vengono giù? »


 « ... Es-tu celle qui aspire à plus d'intensité de vie, qui évoque la danse des Heures vers son ultime jeunesse, et qui demande une nuit d'amour aux ombres descendantes?

E chiami la danza dell'Ore
Sull'ultima tua gioventù,
E preghi una notte d'amore
All'ombre che vengono giù? »


 M. Enrico Vidali analyse l'enquête Huret et fait preuve d'une amusante inconnaissance de la littérature française contemporaine. Sur Verlaine : « Le frère de Plaches (?), de Murger, de Vallès, le lettré du café François Ier... » (31 mai).
 Critica sociale : A lire les deux articles de M. Turati sur les Anarchistes (10 et 31 mai).
 De plus, nous avons reçu : Geografia per tutti, n° 1 (Bergame).

R. G.


Outils personnels