Naissance

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Adrien Remacle, « Naissance », Mercure de France, t. II, n° 1, janvier 1891, p. 270-271.


NAISSANCE (1)




Point blanc, aussi grand que les mondes,
Infime autant que l'infini,
Germe blanc, blanche gerbe, ni,
Déjà, vain être, un des immondes,


Ni de ceux, verts, rouges ou bleus,
Flottant, quêteurs d'un souffle en joie,
Entre les flocons de la Voie,
Bercés parmi les mois Alleux,


J'étais, et n'étais pas encore,
Du moins celle-ci, celle-là
Ou d'autres que depuis voila
La chair et qu'un voile décore.


Point vibrant, ivre de chaleur,
En délice du futur être,
En délire de voir paraître
L'aube du fruit promis : la fleur,


Germe pur qu'un pollen veloute
Demain, qui frissonne aux baisers
Rêvés, s'ouvre aux secrets jasés,
Prête aux divines lèvres, toute,



Gerbe une, nue, en prisme ardant,
Fière étincelle de substance,
Nuances en préexistence
Latentes, l'éther confident,


J'ondoyais, j'ondulais, caresse
D'une main faite d'un reflet
Sur un sein dont l'Esprit soufflait
La forme au gré de sa Paresse.....


Or, le pollen vivant venu,
Je tressaillis, née. Et la Science
S'évanouit de ma conscience,
Qu'avait avant mon esprit nu.


Je fus un immonde, un vain être,
Je dus tâter l'aveugle aller,
Ramper pour rapprendre, exhaler
Un souffle impur, vagir, renaître.


Puis se moule en les moelleux lins
Ma chair, cythare des pensées ;
Elles s'éveillent, balancées
Entre les instincts des matins.


J'atteins le temps des blanches cires,
L'enfance aux doigts mélodieux,
Et bientôt s'éclairent mes yeux
Des lueurs de savants sourires.

Adrien Remacle.




(1) Extrait de « Chants d'une Passante », plaquette à paraître.
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