Nocturne

De MercureWiki.
 
Louis Denise, « Nocturne », Mercure de France, t. I, n° 5, mai 1890, p. 151.


NOCTURNE


 Ha ! cette nuit est dure,
Il cingle des vents d'on ne sait pas où,
Un homme qui s'enfuyait comme un fou
M'a failli jeter sous une voiture...


Ah ! pitoyable petit monsieur romanesque
Pourquoi t'en aller ainsi tous les soirs
Rouler des yeux blancs pour les beaux yeux noirs
De cette Dame ? — oh ! si belle ! mais tant honneste !
Mais honnête à faire pleurer !


Et je pleure à là lune
Pour ses beaux yeux
C'est, disent mes aïeux,
Être en bonne fortune.
— Ah ! vraiment non... aucune.


Tiens ! La lumière s'est éteinte... C'est dommage :
Elle était vraiment suggestive. — Hélas ! peut-être
Nichais-tu, mon jaloux ramier, à l'autre étage ?
Mais elle était douce à mes yeux — cette fenêtre.


Ainsi partir ! S'en aller, toujours s'en aller,
Sans avoir pu lui dire un petit : « Je vous jure... »
Ah ! c'est qu'Elle m'est si bien toute la Nature !
— Avec les bois, les sources, les oiseaux, parler
Gentiment, comme François d'Assise, ô mon Dieu,
Qui rêvez dans ces vois profondes, en tout lieu,
Et qui nous envoyez toute cette musique !
— C'est qu'elle est si bien toute ma Métaphysique !


  Ha ! ha ! Du vent ! Ah ! la nuit est dure,
Il me semble qu'il y a longtemps que ça dure.
Et je pleure à la lune...
La lune, où donc ?... Aucune,
Mais des nuages noirs à gros ourlets, d'argent
D'enterrement.

Louis Denise

Outils personnels