Ode triomphale à la Gloire des Muses Romanes

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Maurice du Plessys, « Ode triomphale à la Gloire des Muses Romanes », Mercure de France, t. III, n° 22, octobre 1891, p. 198-199


ODE TRIOMPHALE

a la gloire des muses romanes

Io! le Délien est né!

J.Tahureau. Ode a Estienne Iodelle.


Le sénile troupeau qui tremble et les Menades
Jalouses, dans ces lieux de gloire n'entreront,
Ni cet esprit vulgaire, effroi des Oréades,
Ni tous ceux dont les Dieux ont détourné leur front!

Raymond de la Tailhède. Ode à Jean Moreas.


 Si, parjure aux Grâces attiques,
 D'une brosse maldocte elle a,
 A quatre épaisseurs d'encaustique,
 Vernissé la Minerve antique
 Du plus barbare des éclats;


 Ou que, d'une bouche sans foudre,
 Elle ait, parodique, tenté
 La buccine par quelle en poudre
 Jéricho vit son mur dissoudre,
 Et s'en soit la gueule éclaté :


 Muses doctorales! Charites!
 Maudissez l'œuvre impur et vain
 De celle de vous qui, du rite
 Affronteuse ou bien mal instruite,
 Déprava le céleste vin!


 Que ta juste nappe, ô Jodelle!
 Pour sa bouche n'ait plus de mets;
 Que, bâtard, son flanc n'ait plus d'aile
 Et que sa sandale infidèle
 Ne foule plus les purs sommets!


 Mais s'elle a, dans la glaise cuite,
 Pétri de dix doigts tortueux
 La défaite d'Io dépite
 Tombant lasse de la poursuite
 Aux bras de Pan voluptueux;

 Ou s'elle a, rompante les vignes,
 Nourri de soleil vingt flacons :
 Muses ! l'élisez la plus digne
 Et le soin de sa main provigne
 Les vergers pompeux d'Hélicon!


 Et puis ordonnez, beau-riantes,
 Vous, ô beau-ballantes enfants,
 Que la rose et le mélianthe
 Se tordent en tresses brillantes
 Autour de son front triomphant!


 Puis ô vous, beau-chantante troupe,
 Fêtez! puis ô vous et chantez
 Celle mieux chère à Callioupe
 Pour qui va tonner dans la coupe
 Le vin de l'Immortalité!


 Tu le sais, toi, Muse, ma mère !
 Si de toi l'honneur que j'attends,
 Autre fut jamais que d'Homère
 Renouer la corde prospère
 A la lyre des nouveaux temps!


 Tu sais si ma joue, au barbare
 Implacable et riche en haros,
 N'a rompu les flûtes avares
 Et tordu l'airain de Pindare
 Avec le poumon des héros!


 Tu sais si mon bras grave aux taures
 Les a pas, beuglantes, courbé's
 Et si j'ai, vidant sa pléthore,
 Plongé dans la tripe au Centaure
 Toute la longueur de l'épé'!


 Et si jamais soye autre trace
 Que poursuivie ai-je et suivrai
 Que de rendre le luth de Thrace,
 Le luth de Ronsard et d'Horace,
 A ce moréas bien lauré!

Mars 1891.


Maurice du Plessys.



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