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Le Naturalisme se meurt, le Naturalisme est mort ! Seul le grand pontife a gardé sa foi et perpétue
l'office, abandonné de ceux-là même qui
furent ses prêtres les plus fervents. Non pas que, radieux exaltés d'une foi nouvelle, ils marchent
avec certitude vers leur Terre Promise : ils s'agitent
en pleines ténèbres, avancent à tâtons ou piétinent sur place, dans les affres du doute. Mais
parfois, en ce dur voyage pour la vague Chanaan,
l'un d'eux perçoit qu'une aube délave l'obscurité
de la route, et telle est sa détresse qu'il acclame d'enthousiasme cette indécise clarté : sans attendre
qu'il fasse jour, sans se demander si ce ne sont
point ses yeux qui s'accoutument à la nuit, s'il n'est point dupe d'une hallucination ou d'un mirage,
vite il emprisonne la parcelle de vérité dans
une formule où il appose un sceau particulier, un
de ces mots en isme si fréquemment surgis pendant
ces derniers temps, et dont le benjamin est
l'intuitivisme.
Mais M. Edouard Rod est un esprit trop prudent
pour dire ce mot en Messie de la religion
espérée : il le hasarde, l'insinue avec circonspection,
doucement ironique pour lui-même et pour
les inventeurs de systèmes en isme. Après avoir
noté quelques-unes des causes qui
ont détaché