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mées malades, et les quintes de toux des poitrinaires,
les tisanes bouillantes, les respirations courtes
des opérés, montent, montent péniblement, se traînant, navrantes, témoignant des tortures inouïes
qu'endurent les malheureux punis d'avoir voulu
vivre. Oh ! les fumées désolées !... Et, indifférent,
le soleil en arrose, l'automne, l'asphalte de nos
boulevards : c'est la pluie lugubre de novembre,
qui abat les feuilles, une pluie valétudinaire...
Elles ne sont point montées jusqu'au jeune
éther triomphant, les humbles fumées !... Non,
elles sont retombées sur les roses fraîches en rosée
les exhalaisons des roses flétries. Et les derniers
petits souffles des vieux petits oiseaux ont semé,
sur les mousses, des gouttelettes amères que le
soleil a bues sans les voir !...
...Les fumées remontent comme des folles vers
la clarté du pays bleu, elles repartent en guerre,
les fumées, en guerre contre un implacable
azur !...
Rachilde.
Mars 1890.