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Car notre amour ne veut plus de l'espoir des sens,
Notre extatique amour vit de sa propre essence
Et renonce, sachant que cela peut suffire.
L'âme des mots défunts au fond de la pensée
Psalmodie un doux Requiescat in pace...
Et c'est l'agonie adorable du Désir.
Va-t'en loin, si tu veux que je t'aime.
Que l'éloignement soit ton baptême.
O l'Inconnu trouble dont je doute,
Violon lointain qu'on ne voit pas !
C'est cela que j'aime seul, hélas !
Ne dis rien, si tu veux que j'écoute.
Cache bien l'espoir de ton visage
Et tes yeux, afin que leur image
Dans mon cœur soit plus douce et profonde.
Cherche donc si ton corps ne pourrait
Devenir un bon rêve discret
Où mon âme, dans la nuit, se fonde.
O mon Amour, ne soit pas déçue !
Il suffit, que mon cœur t'ait conçue.
Sois l'Inconnu subtil dont je doute,
Et tout cela qu'on ne peut saisir.
Le désir seul nourrit le désir.
Pars ! — Je t'aime. Et ne dis rien ! — J'écoute.
Louis Denise.