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I
Le Chevalier Maurice du Plessys de Lynan
Celui-ci, ce n'est point à feuilleter les quotidiens et les catalogues de libraires que vous apprendrez à le connaître. Il n'édite point, non qu'il ait horreur de l'imprimé, mais parce que l'œuvre une fois produite, il dédaigne de s'en occuper davantage. Il écrit au hasard de l'heure, sur le marbre d'une table d'estaminet, puis de la feuille noircie il va tout à l'heure allumer un cigare, et, n'était l'obligeance de quelques amis, toute la mort serait accroupie sur cent joyaux dont c'est mon orgueil d'être le premier à déceler ici la pure radiance.
Si l'œuvre du Chevalier Maurice du Plessys est encore inédite (1), sa physionomie toute spéciale, ses allures de Paulus étique, ses excentricités de don Juan d'entre-sol, sont en passe de devenir légendaires. Il est dandy à sa façon, qui n'est celle ni de Brummel ni de Barbey d'Aurevilly et l'un des cas les plus surprenants, certes ! de l'actuelle bohème littéraire.
La Bohême d'aujourd'hui ne ressemble guère à celle de Mürger. On a compris enfin le ridicule de toutes ces brailleries romantiques, de ces cris échevelés dont, durant un demi-siècle, a retenti la Littérature. Un poète, pensait-on, ne pouvait s'affirmer que par de vastes saoûleries, de véhémentes gesticulations, des oripeaux crasseux, une barbe en jachère, à tel point qu'aux yeux effarés de M. Joseph Prudhomme l'image d'un artiste ne s'évoquait plus que sauçant au coin d'une borne, dans le résidu d'ébriaques déjections.
Les bohèmes d'à-présent pensent que l'allure réservée, l'intégrité des pantalons et le curage des ongles ne sont