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 Dans Les Aveugles, douze aveugles, hommes et femmes, attendant sous les arbres d'une forêt le retour de vieux prêtre qui les a conduits à la promenade : il les a, pensent-ils, quittés pour un moment. Longtemps ils attendent, ignorant où ils sont, s'il fait jour ou s'il fait nuit, appréhendant, pressentant un malheur — comme l'Aïeul de l’Intruse. Comme là encore, ils attendent la réalisation d'un fait matériel : le retour de leur guide. Or, le prêtre ne reviendra pas, n'a pas à revenir : il est là, assis non loin d'eux, mort.
 Ces deux drames, on le voit, partent de l’appréhension , s'arrêtent au pressentiment, qui est leur axe ; et l’attente, le silence, l'obsession constituent tout le procédé. C'est avec d'aussi simples moyens que M. Maeterlinck fige d'effroi le spectateur — effroi qui n'est celui de Poë, ni celui de Shakespeare, ni celui des romantiques, ni celui qu'on trouve deux ou trois fois chez M. Guy de Maupassant ; et bien puéril en l'occurrence serait de citer Hoffmann. M. Maeterlinck ne s'aide, ici du moins, pas plus du merveilleux que de la superstition, et, pour ma part, je ne sais personne, dans aucune littérature qui donne ce frisson-là.
 C'est aussi l'imminence d'un évènement tragique que cherche à suggérer M. Charles Van Lerberghe. Mais, alors que M. Maeterlinck tire tout de ses seuls personnages, lesquels se comportent naturellement, et sans que le décor lui servent de rien, M. Van Lerberghe recourt à dix moyens en dehors — dont quelques-uns très vieux, d'autres d'une grossièreté incompatible avec la conception raffinée de son art, auquel ils nuisent indubitablement. Pourquoi ces « deux cierges » allumés auprès d'une femme qui n'est point morte ? Pourquoi, au lit, ces rideaux de serge « noire » ? Et tous ces bruits (autour d'un être qui se meurt dans une chaumière très pauvre) d'orage, de pluie qui fouette, de vent qui souffle, de chien qui aboie, ne sont bons qu'à impressionner un spectateur vulgaire — d'ailleurs incapable de saisir le sens de la pièce. Quant aux spectateurs aptes à comprendre, ceux pour qui l'œuvre est écrite, ils n'ont nul besoin d’entraînement, et l'orchestre (Marche funèbre. Roulement de tambours voilés. Sonnerie de cor dans le lointain. Court motif de psalmodie pour orgues), leur est déjà superflus : à plus forte raison les autres bruits, tapage nombreux, agaçant, qui disperse l'attention quand il faudrait la concentrer — là ou M. Maeterlinck la concentre dans le silence propice, l'immense, l'insondable, le fécond silence. Quelque suggestif qu'il soit, un son a une cause définie, c'est un fait qui s'analyse et s'explique : le silence est la grande inconnue, l'X éternel, et il ne s'explique pas plus que la Mort — deux abstractions égales. Enfin M. Van Lerberghe n'est point vraisemblable, ce que serait, en vérité, son moindre défaut, s'il n'était manifeste que l'invraisemblance ainsi traitée va, elle aussi, contre le but de l'auteur.
 Il y aurait encore beaucoup à dire sur cet art neuf, notamment sur sa portée symbolique, mais je suis obligé de m'en tenir là aujourd'hui.
  Septembre 1890.


Alfred Vallette.


1. Sur cette œuvre, lire : L'Art Moderne, La Wallonie, La Jeune Belgique, La Pléiade (belge), Art et Critique.
2. Chez P. Lacomblez, 33, rue des Paroissiens, Bruxelles (prix : 3 fr.).
3. Ibid. (prix : 1 fr.)

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