Page:Mercure de France tome 002 1891 page 245.jpg
- L'été, maintenant, grandit l'ombre de mes pas ;
- La mi-été, maintenant, boit la rosée. Ah, n'est-il pas
- Levé, l'astre qui fait s'ouvrir la fleur tardive
- Du safran! Æmilius, Æmilius, voici bruire
- L'heure au roseau que mon souffle avive,
- L'heure de lamenter.
C'est pourquoi :
- Ore je vous vais dire :
- Ore je vous vais dire :
- La folâtre Amarylle, et le joyeux Tityre.
C'est pourquoi :
- Qu'un marmouset pleure,
- Rions, car c'est l'heure.
C'est pourquoi :
- Les feuilles pourront tomber,
- La rivière pourra geler!
- Je veux rire, je veux rire,
Et l'âme, dans son secret, qui regrette et tremble, a beau dire :
- Je suis si triste,
- Comment rire helas !
et :
- Dormir est si doux,
- Que ne mourrons-nous !
l'expérience, qui est cet allégement de la fin promise, en répondant :
- Ah, la Mort, ah, n'est-ce
- Une menteresse !
Ch. Mce.
Le Don d'Enfance, par Fernand Séverin (Lacomblez, Bruxelles). — L'un des plus charmants poèmes parmi ceux qui composent ce livret de vers débute ainsi :
- Mon cœur est éperdu des étangs et des bois,
- Comme s'il les voyait pour la première fois !
- Mais je me sens troublé d'une étrange science
- Et mon cœur est pensif, malgré ce don d'enfance.
Etre un enfant : regarder avec étonnement encore la vieille merveille du monde, trouver dans les choses qui semblent mortes aux sages de vivantes et fraternelles analogies, dévoiler en leur ingénuité première la haine et la tendresse, saisir par intuition ce que cache chez les hommes la nécessaire habitude du mensonge, et cependant être un homme auxieux et troublé, qui connaît bien la vanité de ce décor et de ces acteurs et de sa propre pensée, unir en soi cette monstrueuse