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TABLETTES DE PROVENCE

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LE TRÉPAS DU PUITS

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A Remy de Gourmont.


 Moulin ruineux qui serait dans le sol.
 Haillons de lichens. Margelle usée par les cruches qui s'y posèrent, poules d'argile. Un rien de corde pend à la poulie, tresse défaite...
 Chérissant les puits — car ils doivent être, dans l'existence des Choses, les mère consolatrices — je me penchai pour interroger son âme. On l'avait bue. Quelques gouttes à peine, très au fond, comme en un creux de main : constellation lointaine au bout d'une lunette d'astrologue, ou bien caresses au sein d'une mémoire.
 J'eus pitié de cette carcasse où ne palpitait plus qu'un joyau frêle à vivre, et me pris à songer à ses oboles de fraîcheur.
 O l'eau : vif désir des blonds déserts ! Absolution de la soif, aperçu de l'Enfer !
 Vieillissant d'âge en âge le regard de ma pensée, je vis sourdre de l'atmosphère, peu à peu, des blés, des lys, des pommes, des framboises, des iris. Puis ces fruits et ces fleurs aboutirent à des formes humaines, et ce furent des bras, des gorges, des épaules, des joues, des yeux, des chevelures. Tout le jadis de femmes qui vinrent là, de l'enfance à l'agonie du puits. Derechef, enfin, la vision se transforma. Ces formes nombreuses, fusionnant sur la margelle, se synthétisèrent en une grande Flamme analogue à une grande langue pendante.
 — Je fus la Soif-de-ce-pays ! dit-elle par des étincelles en guise de paroles.
 — Infâme ! criai-je, qui pus tarir l'immense fleur miraculeuse et te fis rabats et baudriers de joie avec les perles de son supplice lent !...
 — Sa vie n'était-elle pas de mourir perle à perle ? objecta la Soif-de-ce-pays.
 — Rouge étendard de l'Égoïsme !
 — Pas plus égoïste ne fus moi que lui ne fut prodigue.

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