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solennelles à Moscou et leurs opéras slavons, ils sont affreux. Ce sont alors de ces énormes pages, pédantes, indigestes, compassées, suantes d'ennui et de médiocrité, sans conception et sans esprit, où sont versées à grands seaux, comme dans un tonneau des Danaïdes, toutes les combinaisons des cours d'harmonie et toutes les sonorités des traités d'instrumentation. C'est long, c'est pénible, c'est mortel comme un voyage de Tobolsk à Irkoutsk. Et l'on proclame que, sortie enfin des limbes populaires, la grande musique russe est fondée! Il y a quelques musiciens, je n'y contredis pas: mais la musique russe! Allons, avouons-le sans honte, sans réticence et sans récrimination, il n'y a encore qu'une seule musique russe : c'est la musique polonaise.

 Et la littérature! cette fameuse littérature, qui fut récemment révélée au monde, excitant partout les plus vifs enthousiasmes, soulevant les foules, ameutant les intelligences, lesquelles se ruèrent avec frénésie sur ce nouveau butin! J'entends encore Ivan Egorovitch me narrer en termes peu modestes cette extraordinaire aventure.
 — Eh bien! jubilait-il, nierez-vous toujours, en face de ce triomphe, la puissance de la pensée russe, capable de s'imposer si souverainement à cette Europe civilisée dont, soi-disant, nous tenons tout? Voyez l'œuvre de nos auteurs. Ils ont créé une humanité inconnue avant eux, fait surgir une race toute vibrante de désirs imprévus, sensible, nerveuse passionnée comme aucune, douée d'une autre conscience à la fois plus troublante et plus noble ; ils ont évoqué un univers de conceptions et de sentiments dont l'Occident n'avait nulle idée; ils ont doté la littérature de l'âme d'un peuple, âme extraordinairement riche et féconde, profonde, comme un océan, infinie comme les cieux. Et tous se sont courbés, subjugués par la grandeur de ce spectacle, ne trouvant plus de mots que pour admirer, n'ayant plus de sens que pour s'initier autant qu'il leur était permis à ces splendeurs dévoilées.
  Oh! le prince était d'un lyrisme ! Il me semble même l'avoir entendu proférer:
  — Le xviime siècle a été le siècle français; le xviiime a été le siècle allemand; le xixme est le siècle russe.
  Mon Dieu, que sera le xxme? C'est à faire frémir.
  Hélas! il en faut bien rabattre. Sans entrer dans une oiseuse discussion sur l'intérêt qui s'attache depuis une demi-douzaine d'années aux écrivains moscovites, sans rechercher si cet intérêt n'est pas sollicité par des raisons historiques, sociales, voire politiques — et pour en rester simplement au sens esthétique des Russes, la seule question qui m'occupe maintenant — je dois faire remarquer que la littérature est une matière fort complexe. Elle n'est point un art pur comme la peinture ou la musique. Il ne suffit pas de dire qu'un peuple écrit pour laisser entendre qu'il est artiste; il faut encore savoir ce qu'il écrit. Car le besoin d'écrire ne s'empare pas seulement de celui qui veut réaliser le beau : mais de quiconque désire annoncer quelque chose à ses semblables, fût-ce une méthode

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