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grandes idées humanitaires, ces théories communistes, cet apitoiement sur la souffrance du peuple, ce larmoiement universel, ces diatribes contre l'ordre contemporain, ces retours au christianisme primitif et ces auteurs confectionnant des bottes à leurs moujiks, sans se douter que ces belles choses sont tout ce qu'on voudra, excepté de la littérature.
 A ce propos, une bonne anecdote que m'a contée l'autre jour Micha.
 Il revenait de je ne sais plus où et rencontra dans le train le comte T***, fils du célèbre écrivain.
 — Tiens, où allez-vous comme ça ?
 — A Moscou. Je vais acheter des bottes.
 — Vraiment? Je croyais que votre père...
 — Ah! oui, parlons-en... Les bottes à papa?...
 Et il exhiba d'un air navré ses chaussures qui menaçaient ruine.
 Ce qu'il faut comprendre, c'est que le livre russe n'a point pour but l'art ; c'est avant tout une sociologie de combat. Né du despotisme gouvernemental, vivant de lui, il n'est vraisemblablement pas destiné à lui survivre. Car que dira-t-on, lorsqu'on aura le droit de tout dire? Ces romanciers, ces humoristes, ces auteurs dramatiques, ces poètes même, n'ayant plus aucune retenue à garder, sacrifieront carrément la forme littéraire qui leur pèse et deviendront autant d'avocats, de discoureurs, de politiciens, de journalistes. Leurs idées ne vont pas au-delà de cette terre, et dans cette terre au-delà de l'empire, et dans l'empire au-delà de la meilleure façon de s'y installer pour avoir le ventre satisfait et l'esprit à l'aise. Leur seule raison d'être et leur seule puissance vient de ce qu'ils ont eu la chance de naître dans un pays qui est loin de réaliser l'état social auquel l'homme moderne est en droit de prétendre. Quel excellent prétexte à tagage! Quelle source inépuisable d'énormes in-octavo ! On fit sous toutes les couleurs le procès au gouvernement, on tarabusta l'administration, on flagella le tchinovnisme, on évoqua en tableaux sombres la souffrance du peuple, on dressa comme un fantôme vengeur le moujik abruti ou le révolutionnaire abruti comme la corruption des grands et l'arbitraire des maîtres, on dépassa quelquefois les limites permises, on fut trop clair dans l'allusion et le sous-entendu, on paya ces audaces de la prison, on alla en Sibérie : ce fut très beau. Mais à cela se borne l'intérêt de la littérature russe. Elle offre un sujet d'étude aux historiens et aux philosophes : elle ne regarde en rien les artistes. On peut presque dire, sans crainte de faire un paradoxe, que cette littérature si frondeuse est redevable de son existence à l'autocratie. N'est-ce point sous le règne oppresseur de Nicolas qu'elle a poussé ses plus vigoureuses branches, celles dont les Russes sont le plus fiers ? Mon Dieu! que serait-elle devenue, s'il n'y avait pas eu le servage? Otez le servage, vous la démolissez toute. Preuve évidente qu'elle n'est qu'une grosse agitation de questions sociales. Rien de comique à cet égard comme ce qui arriva au plus grand poète russe — le seul, du reste, et qui n'est, au fond, qu'une sorte de mauvais Jules

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