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C'est la musique nouvelle pour nous de la pousta : * « Cserebogar, ô petit scarabée, ô sargà cserebogar, petit scarabée en or. »
Voici la tranquillité d'un soir de printemps, * la brise nous porte le bruit des baisers de la vingtième année.
Deux par deux, ils se promènent, les amants, * dans le chemin fleuri de la destinée.
O les notes vives et lestes comme des rires de vierge en la nuit, * les trémolos attiédis des contacts joyeux de chair satinée!
Mais soudain le réveil cruel de la vie, en sa vérité, * l'envolement des rêves charmeurs, le néant de l'espérance où notre jeunesse s'endort...
Et c'est la tristesse morne de la pousta : * « Cserebogar, ô petit scarabée, ô sargà cserebogar, petit scarabée en or. »
La gaieté des trilles se rompt dans l'angoisse d'un sanglot. * Quoi donc la vie et l'amour, la sagesse et la folie ?
O la désolation de vivre pour souffrir, * d'avoir juré hier l'éternité des serments que demain oublie!...
Tout au fond de l'âme incertaine nous descendons, * buvant le calice de nos amertumes jusqu'à la lie.
Tandis que reprend en mineur le thème naïf du début; * que repassent, dans le chemin fleuri, les amants qui s'aiment et croient encore ;
C'est dans l'inconstante musique de la pousta: * « Cserebogar, ô petit scarabée, ô sargà cserebogar, petit scarabée en or. »
Mais les yeux fermés ne voient pas; étourdissons-nous dans le bruit. * En avant pour les czardas enfiévrées!
C'est à la porte de l'église, sur le sol battu ; * dans la salle enfumée où sont venus les filles et les jeunes gens de la contrée.
Les mains en l'air et les pieds rapprochés; * c'est le balancement de la danse nationale, la danse quasi sacrée.
Et les talons heurtent la terre : un, deux, trois; * la cadence se précipite onduleuse et souriante dans l'effort.
Comme il est loin, le refrain mélancolique de la pousta : * « Cserebogar, ô petit scarabée, ô sargà Cserebogar, petit scarabée en or. » •