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Le vieil espoir d'aimer s'efface fleur à fleur,
Et nous voici déjà plus tristes d'une année,
Ombres lasses d'aller par la forêt fanée
Où l'un-à l'autre-fut un songe de pâleur
Pour avoir vu l'été mourir et comme lui
Lourds du regret des soirs où notre amour à lui
En prestiges de fleurs, d'étoiles et de fleuves,
Nous voilà miroirs d'un même songe-pâli,
Emporter le regret d'être des âmes veuves
Que rend douces l'une à l'autre le double-oubli.
P. Q.
Sociétaire (Mœurs de théâtre), par Paul Dollfus (Savine). ― Volume des plus gais, où l'observation joue le plus grand rôle ; livre absolument vécu et, par endroits, très vrai. C'est l'histoire d'une femme amoureuse, non pas positivement de son art, mais bien de la gloire qu'il procure. Elle a débuté modestement aux Variétés dans un rôle à maillot, puis, de là, — et certes il y a du chemin — à l'Odéon ; du second Théâtre Français, elle passe à la Comédie où, quelques mois après son entrée, elle devient sociétaire. Le roman — si roman il y a — en lui-même n'existe pour ainsi dire pas ; ce sont les silhouettes que M. Paul Dollfus fait s'agiter devant nous qui sont le fond de l'ouvrage ; les personnages sont tous pris sur le vif et, sous des noms spirituels, pour la plupart sont très reconnaissables. Au total, livre écrit le plus gaiment du monde et avec beaucoup de bonhomie.
P.F.
L’Intruse, par Eugène Faivre (Savine). ― Singulière idée que d'avoir mis sur un roman un peu quelconque le titre du chef-d'œuvre de Maeterlinck ! On trouve du reste de tout dans l'Intruse, la trame du Possédé, de Camille Lemonnier, et la manière naturaliste, des expressions chères à M. Paul Alexis, et aussi le sentimentalisme descriptif, plus le fameux poison employé si souvent par les feuilletonistes à court de dénouement rapide, j'ai nommé le curare. Le style n'est certes pas banal, car il étincelle de comparaisons extraordinaires : « Le désir chez une fille honnête est comme le duvet de la reine-claude... etc... etc... » En somme, bon livre pour cabinet de lecture de quartier populeux.
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Aux Bords du Lez, par Lydie de Ricard (Lemerre). — M. Xavier de Ricard a réuni dans ce volume des proses et des vers de Mme de Ricard et les fait précéder de quelques pages dolentes et pieuses sur « la chère inoubliable morte » et le mouvement félibréen. ― Je n'ai, pour ma part, aucune tendresse pour les félibres ; j'éprouve ainsi un vif plaisir à écrire tout le bien que je pense de ces poèmes de soleil, rêvés dans la joie de la nature méridionale, mélancoliques souvent, d'une grâce mignarde toujours et si féminine. Mme de Ricard avait subi le charme des choses et des êtres du Languedoc ; elle