Page:Mercure de France tome 004 1892 page 046.jpg
Je t'ai revue... et je pleure... Lisbeth... Lisbeth, un mot... et je pardonne... »
Elle frappait nerveusement le sol de son talon, et reprit, impitoyable:
— « Mon pauvre ami, je ne comprends pas ; et si tu en as pour longtemps encore à continuer comme cela, je sors...
— « Tu ne sortiras pas! hurla de Sancey », d'une voix rauque.
Et il se plaça devant les tentures, furieusement. Elle avait abaissé sa voilette, et s'avança.
— « Laisse-moi passer.
— « Non!
— « Laisse-moi!» Et elle voulut prendre, à côté de lui, le bouton de la porte. Mais il la saisit aux poignets, et la rejeta sur un fauteuil.
Elle se releva, presque aussitôt, hors d'elle.
Lui, se tenait aux étoiles pour ne pas tomber, chancelant sous l'effroyable combat que se livraient en son cerveau ses idées affolées; il fit un mouvement, étendit la main droite : elle rencontra la crosse de son revolver d'ordonnance, à la panoplie.
— « Des menaces, fit Lisbeth en ricanant : tu n'aurais pas le courage de me tuer. Et bien, oui, oui, je t'ai trompé, tu entends... Mais tire donc, lâche! »
Ce mot le fit rougir, comme à un soufflet : il pressa la détente, ayant tourné le canon vers sa tempe.
Quand la fumée bleue se dissipa en lourdes volutes ondulant comme un brouillard léger en la pièce, Lisbeth vit le corps du lieutenant étendu, la moustache blonde tordue en un dernier rictus, les mains crispées, avec un tout petit trou au-dessus de l'œil, qui regardait vaguement, vitreux déjà. Sur le tapis, un mince filet de sang se coagulait, faisant une tache pourpre ; les boutons du dolman clair brillaient...
Une sueur froide baignait mes tempes. Il me sembla voir tout s'agiter autour de moi, les yeux