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Nous méprisons parfois l'opinion sans cesser d'y être sensibles.
L'opinion est comme la société : les hommes la font et en sont esclaves.
On s'aperçoit de l'inertie des choses jusque dans le monde des idées, où, s'il est difficile d'imprimer un mouvement, il est encore plus difficile de l'enrayer.
Dans la marche en avant de la civilisation, les idées morales forment l'arrière-garde.
En un siècle où la chimie s'est renouvelée tant de fois, la morale en est encore à se demander si elle a bougé depuis Solon.
II est prudent d'avoir des opinions ; il est sage de n'en pas avoir.
L'opinion publique a trop de poids pour qu'on la néglige et trop d'inconstance pour qu'on en tienne compte.
Nos opinions traînent partout ; nous les ramassons dans le ruisseau plus souvent que dans notre esprit.
Il est si rare d'oser braver l'opinion, qu'on peut pardonner à ceux qui la bravent à tort.