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- Sous la fine archivolte en granit rose assise,
- L'humble Enilde, Enilda, dont le père est Yniol,
- File, et d'un œil distrait suit au ciel un grand vol
- De hérons, messagers de froidure et de bise.
- Enilde songe à l'âtre empli de cendre grise,
- A sa tunique à trous se déchirant au col,
- Aux fleurs qui vont bientôt, mortes, joncher le sol
- Avare, aux jours plus courts, à sa mère indécise.
- Enilde songe au lin trempant dans le lavoir,
- Aux ramiers dans la tour et soupire, sans voir
- Qu'entrouvant doucement le volet qui l'abrite,
- Un fils de roi s'arrête au seuil du vieux manoir.
- Et près d'Enilde, au pied du vieux mur qui s'effrite,
- Blanche étoile au cœur d'or, s'ouvre une marguerite.
- Dans le hallier magique, où rougit la framboise,
- Les seins droits, toute nue entre ses cheveux roux,
- Viviane la fée ouvre ses grands yeux fous,
- Enivrants comme un philtre et couleur de turquoise,
- Elle a dompté les preux et Myrdhinn, la Galloise...
- Vil bétail endormi, ses doigts savants et doux,
- Ses bras frais ont ployé les rois à ses genoux,
- Ses clairs genoux frottés de myrrhe et de cervoise.
- Aussi, pour bien marquer sa gloire et son dédain,
- Sur sa crinière d'or elle a du vieux Myrdhin,
- Mage et preux, arboré la couronne et le casque.
- Le heaume a pour cimier un mufle de tarasque,
- La dame a pour défi son mépris souverain,
- Et sous son rouge orteil jaillit un lys fantasque.