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Page:Mercure de France tome 006 1892 page 239.jpg - MercureWiki

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</noinclude>durant l'accomplissement de laquelle il crut perdre sa fortune, ses amis, sa santé, sa liberté !<br />
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</noinclude><center>ELAINE</center><br />
{{gap}}Fort de quelques recherches préliminaires opérées à la Bibliothèque touchant le mode de vivre d'individus réputés grands hommes, notre auguste Zoïle résolut d'apparaître à ses contemporains sous l'aspect nouveau qu'il avait décidé. Et un matin les journaux annoncèrent son accès et relatèrent ses premières fredaines. Nous l'avons dit, l'émotion causée fut immense, elle scandalisa le pays où se répercuta un sentiment de réprobation universelle. Un deuil, presque, plana au firmament si bleu de la vieille Gaule ! La France, sans en excepter un canton, l'Algérie, la Corse, les Colonies les plus anciennes comme les plus récentes, frémirent douloureusement ! Sarcey était génial !<br />
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{{gap}}A cette pensée, les forces composant l'unité nationale se sentirent insultées, le monde des Arts, des Théâtres, des Cercles, le monde parlementaire, l'Armée, la Marine, l'Agriculture, les Travaux Publics, furent indignés. Le demi-monde également fut transporté d'une impuissante colère. A l'étranger ce fut biçn pis. Nos relations extérieures subirent le contre-coup de cette débâcle d'un cerveau, et l'on constata une fois de plus la place que M. Sarcey tenait dans le monde. Ainsi l'Angleterre, ''cette perfide Albion'', nous adressa quelques remontrances sur l'immoralité de nos mœurs, qui, selon elle, amenait de telles catastrophes parmi nos enfants; l'Italie s'en réjouit hypocritement, calculant la perte irréparable que nous venions de faire dans le rang éclairci de nos grands hommes ; l'Allemagne songea sérieusement à nous ravir d'autres provinces, spéculant sur le détraquement possible de notre corps social entier ; et quant à Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies, avec l'ordinaire brutalité moscovite,il manifesta carrément le désir de rompre avec une nation où la solidité reconnue d'intelligences célèbres offrait si peu de. garanties: « Dame ! » beugla-t-il, « si celui-là a été frappé de « génie, qu'est-ce que vous voulez que je foute des « autres ! »
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L'allée est droite, obscure et pleine de pervenches.
Véritablement Sarcey devint un péril pour sa patrie au lieu d'en être demeuré l'orgueil.<br />
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Dans le corsage étroit d'une robe à longs plis,  
{{gap}}Pour débuter, il stupéfia les traditionnels abonnés du ''Temps'' par un article éreintant Gandillot, que, jusqu'alors, il avait encensé:<br />
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Et les deux bras chargés des lys qu'elle a cueillis,  
{{gap}}J'ai été frappé de la grâce, clamait-il, j'ai acquis au prix<noinclude>
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La svelte et pure Elaine apparaît dans les branches.<br />
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Un essaim de ramiers rôde autour de ses hanches,
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Blanc essor attiré par la blancheur des lys;
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Au loin, sur l'or rosé d'un ciel aux tons pâlis,  
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Le manoir d'Astolat et ses tourelles blanches.<br />
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Elaine, aux yeux d'aurore, au rire humide et frais,  
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A sa place marquée aux jardins des cyprès;
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Elaine avec les lys sera morte à l'automne.<br />
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Elaine est destinée aux éternels regrets,  
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Et, présageant l'ennui d'une fin monotone,
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Pâle et froide à ses pieds, fleurit une anémone.<br />
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<center>GENÈVRE</center><br />
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Dans l'implacable orgueil d'un royal adultère,
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Genèvre, l'œil aride et les seins empourprés,
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Le long de la terrasse aux parapets dorés
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Promène son ennui hautain et solitaire.<br /> 
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Elle songe a l'abîme où, degrés par degrés,  
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Morne elle est descendue, au clos du monastère
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Où mûrira sa faute, et les fleurs du parterre
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Font pleuvoir sous ses doigts leurs boutons massacrés.<br /> 
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Elle songe A. sa gloire au milieu des huées
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S'écroulant, aux pudeurs de son lit remuées,  
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A sa honte en pâture offerte aux courtisans;<br />  
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Elle songe à ses yeux, autrefois méprisants,  
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Et sur sa robe étroite, où pas un pli ne bouge,  
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Sinistre et douloureux saigne un large iris rouge.<br />
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Version du 13 novembre 2014 à 15:15


ELAINE

L'allée est droite, obscure et pleine de pervenches. Dans le corsage étroit d'une robe à longs plis, Et les deux bras chargés des lys qu'elle a cueillis, La svelte et pure Elaine apparaît dans les branches.
Un essaim de ramiers rôde autour de ses hanches, Blanc essor attiré par la blancheur des lys; Au loin, sur l'or rosé d'un ciel aux tons pâlis, Le manoir d'Astolat et ses tourelles blanches.
Elaine, aux yeux d'aurore, au rire humide et frais, A sa place marquée aux jardins des cyprès; Elaine avec les lys sera morte à l'automne.
Elaine est destinée aux éternels regrets, Et, présageant l'ennui d'une fin monotone, Pâle et froide à ses pieds, fleurit une anémone.


GENÈVRE

Dans l'implacable orgueil d'un royal adultère, Genèvre, l'œil aride et les seins empourprés, Le long de la terrasse aux parapets dorés Promène son ennui hautain et solitaire.
Elle songe a l'abîme où, degrés par degrés, Morne elle est descendue, au clos du monastère Où mûrira sa faute, et les fleurs du parterre Font pleuvoir sous ses doigts leurs boutons massacrés.
Elle songe A. sa gloire au milieu des huées S'écroulant, aux pudeurs de son lit remuées, A sa honte en pâture offerte aux courtisans;
Elle songe à ses yeux, autrefois méprisants, Et sur sa robe étroite, où pas un pli ne bouge, Sinistre et douloureux saigne un large iris rouge.

JEAN LORRAIN.

(D'après les Idylles du Roi, de TENHYSON.)

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