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- « Fundite fletus, edite planctus
- Resonet tristi clamore forum
- Cecidit pulchre cordatus homo
- Quo non alius fuit in toto
- Fortior orbe.»
J'admettrais volontiers que les poètes mystiques ont agrandi, transformé et magnifiquement orné les hymnes et nénies du paganisme, et qu'ils ont recueilli avec délices d'exquises et naïves chansons que les petites femmes des provinces latines connaissaient encore. Puis je ferais amende honorable en citant trois vers candides de saint Ambroise:
- Jesu corona virginum....
- Qui pascis inter lilia
- Septus choreis virginum.
Avant d'arriver au Livre des Gemmes de Marbode, je dirai un de mes regrets. C'est que M. de Gourmont n'ait pas donné place dans son anthologie aux hymnes qui furent composées par les clercs mendiants d'Allemagne au XIe siècle. On les a publiées sous le nom de Carmina Burana. Les vagabonds des routes y chantent Jésus et la Vierge avec beaucoup de douceur et de fraîcheur. Quelques-unes de ces hymnes méritaient d'être recueillies.
Marbode est un poète savant. Son livre est rutilant d'escarboucles, de cornalines, de grenats et de rubis. Il sait les symboles de l'almandine rose rouge, et de l'aromatite qui a l'odeur de la myrrhe, et de l'hématite sanglante, et du jargon jaune, et du smaragdoprase dont la couleur est pareille à l'herbe roussie.
Dans le saphir Conrad de Haimbourg voit l'espérance,et l'émeraude lui révèle la pureté. « L'amour divin s'exprime par le chrysoprase, tacheté d'or et de pourpre:
- Ecce nunc qui rubeas
- Guttas jacit aureas
- Chrysoprasus..... »