Petits aphorismes : Sur les Femmes. Sur l’Amour. Sur le Mariage

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Louis Dumur, « Petits aphorismes : Sur les Femmes. Sur l’Amour. Sur le Mariage » , Mercure de France, t. IV, n° 28, avril 1892, p. 329-335


PETITS APHORISMES

SUR LES FEMMES

1


 On n'aime vraiment une femme que quand on ne la connaît pas; on ne la connaît que quand on ne l'aime plus.

2


 Il ne faut point étudier la femme par l'analyse, mais par la synthèse. Tout ce qu'on met en elle, elle l'est; rien de ce qu'on cherche en elle ne s'y trouve.

3


 Il n'y a ni à comprendre, ni à connaître la femme : il n'y a qu'à la goûter.

4


 Il faut se méfier d'une femme, si on ne l'aime pas, avoir confiance en elle, si on l'aime. Ce n'est pas très sûr, mais le bonheur en dépend. Si l'on veut être en sûreté, il vaut mieux ne pas aimer.

5


 Avec les femmes dont on ne peut rien espérer, un brin de cour est néanmoins utile : elles savent gré du sentiment qu'elles provoquent et du respect qu'elles inspirent.

6


 Une femme veut toujours être courtisée, même lorsqu'elle est décidée à n'y faire aucune attention.

7


 Faites la cour, sans la compromettre, à une femme qui peut vous être utile ; compromettez, sans lui faire la cour, une femme qui peut vous nuire.

8


 Comme pour une place forte, il y a trois manières de prendre une femme : l'assaut, la ruse, la famine.

9


 Une femme doit laver matin et soir son corps d'eau fraîche et son âme de grâce.

10

 Le sentiment le plus exquis de la femme, la pudeur, est trop proche parent de son défaut le plus répugnant, la pudibonderie.
11


 Une femme doit avoir de l'esprit sur les lèvres et de la naïveté dans le cœur.

12


 La piété sied aux femmes, à condition qu'elles restent mystiques dans l'amour.

13


 Les femmes sont comme les oiseaux: elles charment si ce sont des rossignols, elles agaçent si ce sont des pies.

14


 Il y a des femmes qui sont des fleurs sans parfum, et d'autres des parfums sans fleur.

15


 Une jolie femme a beaucoup à faire pour obtenir les suffrages des femmes, et une laide pour obtenir ceux des hommes.

16

 La laideur n'est pas un vice : c'est une tare.
17


 Savoir porter la laideur est un grand art chez une femme; c'est plus qu'un art, c'est une vertu.

18


 Les vieilles femmes sont déplaisantes non parce qu'elles ne sont plus jeunes, mais parce qu'elles font trop sentir qu'elles ont été jeunes.

19


 Les femmes aiment les compliments comme les bonbons: pour les mettre sur le devant de leur loge et les manger en public.

20


 Avec les femmes, il faut toujours voir plus bas. Quand elles disent : J'ai mal à la tête, comprenez: J'ai mal au cœur ; et quand elles disent : J'ai mal à l'estomac, traduisez.....

21


 Quand une femme trompe son mari, elle le hait quelquefois; quand elle trompe son amant, elle le hait toujours.

22


 Une femme enceinte n'est plus une femme et n'est pas encore une mère : ce n'est plus qu'une femelle.

23


 Les plus sottes en savent encore beaucoup plus qu'on ne croit : les plus spirituelles, par contre, en savent si peu, que l'on reste stupéfait lorsqu'on va au fond de leur esprit.

24


 Beaucoup d'hommes apprécient plus la grâce que la beauté, la coquetterie que la grâce, l'effronterie que la coquetterie, l'impudence que l'effronterie, la perversité que l'impudence.

25


 Les hommes qui ont l'habitude des femmes honnêtes sont timides auprès des femmes galantes et n'osent rien leur proposer; ceux qui fréquentent les femmes galantes osent tout proposer aux femmes honnêtes : les seconds seuls savent vivre.

26


 Tel se venge des femmes par le mépris. Qui s'en vengera par le silence?

SUR L'AMOUR
1


 L'amour est la plus noble des passions : mais les passions sont les moins nobles des facultés de l'âme.

2


 L'amour étant de toutes les passions celle qui affecte le plus l'humanité est aussi la plus mal connue.

3


 Il y deux modes dans l'amour: le corps et l'âme. Il n'y a qu'une substance : la vie.

4


 L'amour ne rend pas meilleur, il rend autre.

5


 Il y a plus à gagner à aimer; il y a moins à perdre à ne pas aimer.

6


 L'incertitude du cœur est l'aléa de l'amour: c'est sans doute ce qui fait qu'on se passionne de ce jeu-là.

7


 L'amour de la gloire est si grand, que, lorsque tout nous échappe, nous nous donnons au moins la gloire de l'amour.

8


 La pitié, l'honnêteté, l'inertie jouent un grand rôle dans l'amour. Si on brisait là dès qu'on n'aime plus, il n'y aurait guère d'unions durables. La séparation est une mesure extrême motivée non par l'épuisement de l'amour, mais par l'engendrement de la haine.

9

 On aime rarement ceux qu'on a intérêt à aimer.
10


 Quand on mêle le devoir à l'amour, l'idée du devoir finit par absorber l'idée de l'amour.

11


 Lorsqu'on fait valoir ses droits à être aimé, c'est que déjà on n'est plus aimé.

12


 La tyrannie de l'amour ne se fait jamais plus sentir que lorsqu'il n'y a plus d'amour.

13


 L'amour doit être l'Alphée de ces écuries d'Augias, les sens.

14


 La poésie et la physiologie sont les deux pôles de l'amour.

15


 En amour, comme dans beaucoup de maladies, une rechute est toujours grave.

16


 Pour être très fort en amour, deux conditions sont nécessaires : espérer tout et n'ignorer rien.

17
 
 La jalousie est une passion de même ordre que l'avarice.
18


 Il n'y a pas de femmes dangereuses pour les aveugles; il n'y a pas d'hommes dangereux pour les sourdes.

19
,


 Les hommes en racontent beaucoup plus qu'ils n'en ont fait, et les femmes beaucoup moins.

20


 Les hommes aiment à se vanter d'avoir possédé un grand nombre de femmes, sans en avoir jamais aimé; les femmes d'avoir été aimées par un grand nombre d'hommes, sans avoir jamais cédé.

21


 La femme a l'imagination des sens, et l'homme la sensualité de l'imagination.

23

  Les femmes sont plus savantes, et les hommes plus expérimentés.
22


 Tout l'art de l'amour consiste pour l'homme à deviner la femme, pour la femme à comprendre l'homme.

24


 L'homme est un mystère pour la femme, la femme une énigme pour l'homme.


 
SUR LE MARIAGE
1


 A cette chose si simple et si naturelle, l'amour, l'homme a substitué cette machinerie compliquée et encombrante, le mariage. Comme on reconnaît bien là l'inventeur de la jurisprudence, de l'administration, de la nationalité, et celui dont une des plus vieilles légendes est le lit de Procuste!

2


 Le mariage, comme la loterie, est une de ces choses où il est prouvé que l'on est fatalement mis dedans, et où l'on se laisse toujours prendre.

3


 Le mariage est un esclavage, quelquefois de l'un des époux vis-à-vis de l'autre, le plus souvent de tous deux vis-à-vis de la société.

4


 Le mariage est un gage sur lequel on cherche à emprunter de l'amour.

5


 Le mariage est un moyen terme entre l'amour et la chasteté.

6


 Si l'on pouvait essayer de vingt femmes, avant de se marier, on finirait peut-être par trouver celle qu'il faut : mais l'enthousiasme n'y serait plus.

7

 Le mariage rompt de pernicieuses habitudes pour en faire contracter de déprimantes.
8


 Les laides renoncent à l'amour: elles ne renoncent pas au mariage.

9


 — Etes-vous heureux en ménage? — Autant qu'on peut l'être. Réponse banale qui en dit long sur les joies du mariage.

10


 « Ils furent heureux et ils eurent beaucoup d'enfants.» Ces deux propositions ne jurent-elles pas de se voir accouplées?

11


 Contre la communauté des femmes, je lis dans Epictète cette maxime:
 « Le théâtre est commun à tous les citoyens, mais sitôt que les places sont prises, tu ne peux ni ne dois déplacer ton voisin pour te mettre à sa place. Les femmes sont communes de même, mais sitot que le législateur les a distribuées et qu'elles ont chacune leur mari, en bonne foi, t'est-il permis de ne pas te contenter de la tienne et de prendre celle de ton voisin ? »
 J'aime cette comparaison parce qu'elle va à fin contraire de ce qu'elle veut prouver : les femmes sont à qui les paie, et telle qui a été prise par autrui la veille peut-être occupée par toi le lendemain.

I2


 Le mariage est une prison dont les portes sont toujours ouvertes sur l'adultère.

13


 Un mari trompé sera toujours ridicule, pour avoir cru que la protection des lois était efficace là où il était incapable de se protéger lui-même.

14


 Il y a des cas de fidélité, comme il y a des cas de diplosomie.

15


 On n'est pas toujours le fils de son père, mais on est toujours le père de son fils.

16


 Comment se fait-il qu'on soit moralement obligé d'épouser une jeune fille que l'on a séduite, et légalement empêché d'offrir la même réparation à une femme que l'on a compromise et contre qui, par suite, son mari a fait prononcer le divorce?

17


 Le divorce est un remède qui a plus d'un caractère commun avec l'amputation, entre autres celui-ci: on a souvent mal au membre qu'on n'a plus.

Louis Dumur

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