Sonnet décembre 1890

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Albert Samain, « Sonnet », Mercure de France, t. I, n° 12, décembre 1890, p. 434.


SONNET



Le siècle d'or se gâte ainsi qu'un fruit meurtri.
Le cœur est solitaire, et nul sauveur n'enseigne
Ces gouttes dans la nuit ? — C'est ton âme qui saigne...
Qui de nous le premier jettera le grand cri ?

Un mal ronge le monde au cœur comme une teigne,
La chair, servante infâme, a suborné l'esprit
Et nul ne voit le mur où la main chaste écrit :
« Que le feu de la fête impudique s'éteigne ! »

L'œil morne a parjuré la lumière bénie ;
Et la lampe, soleil fiévreux de l'insomnie,
Luit seule en nos tombeaux d'or sombre et de velours,

Où, pâle et las du poids de ses joyaux trop lourds,
Aux sons plus torturés de l'archet plus acide,
L'Art, languide énervé, suprême ! se suicide.


Albert Samain.

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